1x03 - L'air de rien (2/16) - En lice
L'inspecteur Quanto fait sa première entrée dans la journée dans son commissariat de ralliement, son fidèle canidé sur les talons. Et la première chose sur laquelle ses yeux tombent n'est autre qu'Elizabeth Jones, dans les escaliers, un plateau de tasses fumantes sur les bras, portant son ensemble habituel d'une jupe noire fendue avec un chemisier blanc. Maintenant que Sam y pense, peut-être que les similitudes entre sa tenue et celle d'une serveuse ont facilité la méprise générale sur sa fonction réelle. Mais peut-être aussi que la jeune femme a intentionnellement voulu se fondre dans le décor, d'après sa réaction lorsqu'il l'a confrontée pour la première fois à ce qu'il estime être un problème, il a plus de deux semaines maintenant.
Secouant la tête à cette idée, il la rattrape sans difficulté, et se faufile derrière elle pour la saluer.
— Hey, Iz, il lui lance en arrivant à sa hauteur.
La coffee girl a une inspiration de surprise et se fige, mais ne perd pas son équilibre. Soufflant lentement, yeux fermés, afin de retrouver une contenance, elle accorde ensuite à Sam un sourire voilé par l'agacement.
— Bonjour, Inspecteur, elle lui rend sa salutation, courtoise, tout en reprenant son ascension.
— Quoi de neuf ? il continue sur son ton si familier, l'accompagnant dans sa montée des marches, Sing Sing toujours à ses côtés.
— Rien de spécial, elle répond avec concision, espérant se débarrasser de lui.
— Même pas à propos de… il insiste cependant, passant volontairement sous silence ce qui se veut leur petit secret depuis une grosse semaine.
Elle a un nouveau sourire, un peu moins agacé que le précédent, mais tout de même.
— Je sais très bien où vous voulez en venir. Et non, je n'ai rien à vous offrir pour le moment. Ça va peut-être vous surprendre, mais vous n'êtes pas ma seule priorité. J'ai d'autres fonctions à remplir dans ce commissariat. Si et lorsque j'aurai quelque chose de tangible à vous donner, je le ferai, promis, mais en attendant, regarder par-dessus mon épaule ne va pas me faire travailler plus vite, elle lui expose calmement, presque comme si elle avait répété ce discours.
Sam a mouvement de recul du menton, à la fois surpris et impressionné par un tel élan d'éloquence. Il ne se laisse cependant absolument pas démonter le moins du monde, et choisit sa réplique avec grand soin, tout en composant son expression à la perfection.
— Je ne regarde pas par-dessus ton épaule, est tout ce qu'il trouve à rétorquer à son petit monologue, d'un ton tout à fait sérieux.
Elle s'immobilise à nouveau et le dévisage, afin de s'assurer que c'est bien elle qui a simplement l'esprit mal placé, et qu'il n'a pas vraiment voulu sous-entendre ce qu'elle pense qu'il a voulu sous-entendre. Mais comment savoir, avec lui ? Il arbore simplement son habituelle expression espiègle, dont elle ne saurait rien tirer malgré toutes ses compétences de comportementaliste humaine.
Double sens ou non, l'affirmation reste quoi qu'il en soit mensongère. Elle l'a bien vu la surveiller de loin. Elle commençait presque à se demander quand est-ce qu'il allait trouver un prétexte pour venir lui parler de ce qu'il lui avait confié. Et maintenant, elle se demande si le contact direct est réellement une amélioration par rapport aux discrètes œillades.
— Est-ce que vous avez avancé, de votre côté ? elle décide de retourner l'inquisition contre lui, tout en recommençant à marcher pour la troisième fois, bien que sa montée des escaliers soit cette fois terminée.
Amusé par son insistance à vouloir se débarrasser de lui, l'inspecteur sourit. Sa réponse à la question est cependant aussi grave que le sujet l'impose.
— Les résultats de l'autopsie sont arrivés hier, mais beaucoup d'éléments sont encore en cours d'analyse au labo. Comme on a aussi découvert que la victime avait le SMIDA[1], pour le moment on creuse dans cette direction, il lui apprend, laconique.
— Vous pensez qu'il aurait été suffisamment imprudent pour le transmettre ? s'étonne la jeune femme, finalement intéressée par ce qu'il a à dire, malgré ses intentions initiales.
— C'est ce qui semble se dessiner, oui, il confirme alors qu'elle dépose une première tasse sur un bureau, même si sans occupant encore.
— Mais être VMIH[2]-positif est parfaitement gérable ; est-ce qu'avoir été contaminé est vraiment un mobile de meurtre ? poursuit la brunette.
Sam et Patrick ont évidemment déjà pensé à tout ça, mais à défaut d'avoir trouvé une meilleure piste lors de leur épluchage des clubs que fréquentait la victime, ils préfèrent ne pas écarter la possibilité, même ténue, pour le moment.
— On n'a pas encore réussi à traquer toutes ses exs. Il est possible que l'une d'entre elles l'ait plus mal pris que les autres, il répond, ne voulant pas entrer dans le débat de la validité des raisons d'un homicide.
— Et bien, bonne chance avec ça, alors, elle lui propose, tout en lui tendant la tasse à son nom sur son plateau.
Avec un remerciement muet des lèvres, il se saisit également de celle inscrite du patronyme de son coéquipier, et s'écarte du chemin de la jolie brune, pour enfin la laisser finir sa tournée en paix.
Elle ne parvient qu'à retenir à moitié le roulement de ses yeux dans leurs orbites, avant de s'éloigner, sous son regard ardent.
[1] SMIDA : Syndrome Muté d'ImmunoDéficience Acquise
[2] VMIH : Virus Muté d'Immunodéficience Humaine
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