1x03 - L'air de rien (11/16) - "N'amène pas mon chien là-dedans !"

Patrick et Sam réintègrent le commissariat après leur pause déjeuner. Ils avaient quitté le bâtiment, mais ils n'en ont pas moins passé le repas à discuter de leur affaire en cours, et sont même encore sur le sujet maintenant.

Le plus jeune est en train de raconter à son coéquipier son entrevue avec l'une des ex de la victime, visiblement plutôt agressive, au grand renfort de gestes auquel il fait appel dans sa description des évènements. La plupart des entretiens préliminaires se font par téléphone, mais dès qu'une personne peut potentiellement être suspecte, une visite s'impose. Et pour l'instant, leur seule piste est celle de la MST de la victime, donc les deux inspecteurs multiplient depuis quelques jours les visites aux conquêtes de Joseph Pierce.

Il s'avère que la liste des partenaires passées du jeune homme est longue. Très longue. Et surtout, très difficile à établir, les relations à long termes n'ayant visiblement pas été son fort. S'ils pourraient potentiellement ne pas s'en souvenir ou n'avoir personne pour en attester, la plupart des gens conservent aujourd'hui une liste d'ex-partenaires bien entretenue, pour des raisons médicales, mais ce n'est pas le standard de tout le monde. Les deux enquêteurs ont donc un peu de mal à reconstruire le tableau de chasse de leur victime. Et les amantes retrouvées ne sont pas toujours ravies de l'être.

Alors que Patrick est en train de lister en détails les objets que la demoiselle qu'il interrogeait s'est mise à lui jeter dessus à un moment donné, Sam repère Iz, penchée par-dessus le comptoir de l'entrée, à discuter avec l'uniforme de l'accueil. La rotation de sa tête alors qu'ils continuent à avancer n'échappe bien sûr pas à son coéquipier, qui interrompt son histoire.

— Arrête, il ordonne à l'oncle, qui se retourne immédiatement vers lui.

— De quoi ? relève l'interpellé, l'air sincèrement innocent.

Pour sa défense, il n'avait pas arrêté d'écouter le récit du lancer de rouges à lèvres. Il a juste détourné le regard un moment.

— Arrête de mater Lizzie, précise Pat, d'un ton las.

— Quoi ? répète Sam en plissant les yeux, comme choqué de l'insinuation.

— Je te connais. Tu crois pas que tu t'es tapé suffisamment de nanas dans ce bâtiment ? lui demande l'autre alors qu'ils arrivent en haut des escaliers, s'efforçant de ne pas parler trop fort.

Sam ne peut pas décemment objecter à cette remarque sur le fond. Sur la forme, en revanche…

— En quoi ça t'affecte ? l'inspecteur passe sur la défensive.

— Ça affecte ton travail, donc ça m'affecte. Et puis, j'ai jamais pu demander un truc à Fields sans qu'elle me regarde de travers, répond l'autre, avec un coup d'œil en direction du bureau de l'intéressée, près de la fenêtre.

— Je n'ai pas couché avec Fields, proteste Sam immédiatement.

Au léger dégoût qui étire ensuite ses traits, connaissant Fields depuis trop longtemps pour seulement envisager de la draguer, il semble même étonné que Patrick ait pu penser que ça avait été le cas. Mais encore une fois, il ne peut pas lui en vouloir, sur le fond.

— Oh. Bah peut-être que tu devrais, alors, Randers corrige son objection, bien qu'il semble désormais aller à l'encontre de son argument initial.

— Je la matais pas, de toute façon, Sam revient sur la remarque première.

— Ouais. Et Sing est un chaton, raille l'autre en contournant leurs bureaux, faisant couiner le Rottweiler à la mention de son surnom.

— N'amène pas mon chien là-dedans ! le défend Sam, appelant l'animal à sa main d'un claquement de doigts.

— S'il pouvait parler, il serait d'accord avec moi. Juste… fais-toi là, qu'on en finisse, Patrick tente de clore la discussion.

Très honnêtement, il se fiche de ce que Sam fait sur son temps libre, du moment que sa performance au travail n'en pâtit pas. Et s'il est tout à fait honnête, il ne peut pas dire que les regards que l'inspecteur porte à la coffee girl depuis une paire de semaines se soient ressentis en quoi que ce soit dans sa participation à leur partenariat. Mais ils ne sont pas passés inaperçus. Et en soi, ce comportement puéril agace Randers. Surtout chez quelqu'un comme Sam, d'ordinaire très direct dans ses approches du beau sexe.

— Tu as l'esprit mal placé, l'inspecteur aux yeux bleus continue de protester aux accusations de son coéquipier.

Patrick soupire en posant sa veste sur le dossier de sa chaise.

— Tu es parti pendant trois semaines en Californie avec une agente lesbienne misandre. J'ai pas besoin d'un dessin pour savoir d'où vient ta nouvelle obsession pour la fille qui distribue le café, il lâche, à court du peu de subtilité dont il dispose.

Sam ouvre la bouche pour répliquer, mais encore une fois, sur le fond, Patrick n'a pas tort. Cette agente du FBI était proche d'une amazone dans son comportement envers les hommes. Ce qui n'avait, effectivement, pas rendu la coopération avec elle facile pour l'inspecteur, naturellement charmeur.

Néanmoins, Sam n'est pas un animal, et une femme plus froide que les autres à son égard ne va pas le mettre en mal d'affection. Sauf que s'il continue à protester, il va finir par devoir justifier des raisons réelles de ses interactions plus fréquentes avec Iz depuis quelque temps, et il n'est pas certain d'avoir envie de faire ça. D'une part, ce n'est pas sa place de corriger la méprise de son coéquipier, en l'occurrence ; aussi convaincu soit-il de l'idiotie de la discrétion d'Iz sur son intitulé de poste réel, il sait bien qu'il se doit de respecter sa décision à ce sujet. D'autre part, trahir ce secret invaliderait complètement son pari avec la jeune femme. Et ça, ce serait vraiment trop bête.

Indiquant à son chien de prendre sa place habituelle à ses pieds d'un geste, Sam s'assoit dans son siège sans rien ajouter à la conversation. Il espère au moins que Patrick est tout aussi frustré de ne pas avoir pu raconter la fin de son histoire d'agression aux produits cosmétiques que lui l'est de ne pas l'avoir entendue.

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