1x02 - Deux temps, trois mouvements (8/15) - Folie locale
Assis à leurs bureaux, Sam et Patrick sont déjà profondément plongés dans l'affaire à laquelle ils ont été affectés en début de matinée. Le plus jeune est occupé à retracer les pas de leur victime, tandis que le plus âgé s'intéresse plutôt aux éléments recueillis sur place.
Malheureusement pour Pat, comme le leur ont annoncé les uniformes chargés d'interroger la sœur de la victime après qu'elle ait identifié le corps, et comme le confirme l'itinéraire fourni par l'RFSD du décédé, ce dernier était un fêtard invétéré. Il n'y a pas un club de la ville qu'il n'ait pas fréquenté, que ce soit la nuit dernière ou une autre. Et chacun sait que les témoins dans ces lieux sont loin d'être les plus fiables, quand ils acceptent seulement de parler aux forces de l'ordre.
Si cet état de fait allonge considérablement la liste des suspects, cela fournit au moins une explication quant à la présence de Joseph Pierce sur un parking en construction au beau milieu de la nuit : il rentrait simplement chez lui, utilisant ce que son esprit en état d'ébriété a dû considérer comme un heureux raccourci. La vidéosurveillance extraite des caméras de circulation alentours le montre en effet titubant vers la structure, pour évidemment ne jamais en ressortir de l'autre côté.
Pour le moment, les bandes de surveillance de la zone n'ont rien révélé d'autre. D'une part, le lieu du crime n'est hélas pas couvert par le système de sécurité du site de construction. D'autre part, personne n'a été filmé entrant sur le site avant l'heure du meurtre qui n'en serait pas également ressorti avant qu'il ne prenne place, ce qui suggère que le tueur a simplement évité le champ de vision des caméras.
À chaque nouvel élément découvert par les inspecteurs, la sophistication du meurtrier qu'ils recherchent semble augmenter.
Le peu d'éléments retrouvés sur place, y compris le corps, sont évidemment encore en cours d'analyse. Les inspecteurs n'ont cependant pas grand espoir que quoi que ce soit qui a été relevé sur la scène ne leur fournisse grand-chose de concluant. Ils sont plus optimistes en ce qui concerne l'autopsie. Cela risque hélas de prendre un certain temps, les homicides n'étant tristement pas tout à fait rares à Chicago, en plus de la minutie requise par l'examen en lui-même.
Alors que Sam se lève pour ajouter quelque chose sur la paroi tactile qui sépare leurs bureaux de ceux du duo d'inspecteurs voisin, Pat raccroche son téléphone et lève les yeux sur le travail de son coéquipier. La fiche identitaire de la victime figure dans un coin, au-dessus de celle de sa sœur, son unique relation familiale encore en vie. L'heure du crime, seul détail déjà donné par les légistes, est affichée en haut du tableau. La plaie et la position du corps ont été placées en plein centre, tandis que les éléments concernant la localisation géographique sont sur la droite. Sam vient justement d'apporter de nouvelles données à propos du site de construction, bien que sans grande conviction. Mais à ce stade de l'enquête, il ne faut rien écarter encore.
— Tu sais, j'ai beau être content d'enfin retourner sur le terrain, je suis pas ravi d'être embarqué dans la folie locale, soupire Patrick en considérant le peu d'éléments dont ils disposent, même pour un début d'enquête.
Le meurtre de Joseph Pierce est en effet leur première affaire depuis le retour de Quanto de Californie, il y a une semaine, et donc la première fois que Randers retourne sur le terrain depuis un bon mois.
— Quelle folie locale ? relève Sam, le regardant par-dessus son épaule, tout en continuant à transférer du contenu depuis sa carte vers le tableau.
— Depuis Décembre, j'ai vu passer presque que des crimes tordus, avoue l'inspecteur blond.
— Vraiment ? s'étonne Sam, n'ayant rien entendu de tel jusqu'à maintenant.
La criminalité n'est rapportée dans la presse que dans deux cas de figures : si l'affaire est résolue, ou bien si le public est en danger. À moins d'un appel à témoin, seuls les proches d'une victime ont besoin de suivre l'enquête à son sujet depuis le début.
— La semaine où tu es parti, un dealer s'est découvert une âme d'artiste dans sa façon d'éliminer la compétition. Les stups n'ont fait qu'aller et venir, et j'en ai vu deux vomir, raconte Pat.
Ce n'est pas dans ses habitudes de lésiner sur les détails les plus crus, puisque son équipier n'est pas impressionnable sur ce plan, bien qu'il soit pour sa part un peu plus discret sur ce genre de thèmes. Il est donc fort probable que, s'il se contente d'une vague métaphore, le résultat n'ait en effet pas été beau à voir.
— C'est jamais joli, un règlement de compte, concède Sam, quoique pas encore convaincu qu'il s'agisse d'une véritable épidémie de crimes sanglants.
— Si ça s'était arrêté là, je dis pas, mais sérieusement, pour les fêtes de fins d'années, il y a des choses que je ne penserais pas que même un meurtrier puisse faire. Des trucs franchement bizarres, j'te dis.
Patrick n'est pas un homme de beaucoup de mots. S'il s'étend, c'est sans doute pour une bonne raison. Ce qui fait tiquer Sam.
— C'est peut-être parce que tu étais coincé à ton bureau, il tente tout de même d'expliquer les inquiétudes de son ami.
— Demande à Martins s'il a pas dû faire laver sa bagnole après qu'un uniforme ait rendu sur sa jante avant. Et il a rien dit. Alors que tu sais très bien que cette voiture c'est presque sa deuxième femme. C'est que ça devait vraiment mériter cette réaction, poursuit l'autre sur sa lancée, en secouant la tête.
— T'as fini de parler de gerbe, oui ! le tempère le grand brun, reposant enfin sa carte RFSD sur son bureau.
— Tu sais quoi, t'as peut-être raison. Peut-être que c'est d'être resté à mon bureau, je vois les choses pires qu'elles le sont, cède finalement Patrick, même si à contrecœur.
Sur ce, il décroche à nouveau son téléphone et compose le numéro du prochain club sur la liste de ceux que la victime a fréquenté récemment. Pendant que la tonalité d'appel retentit, Sam s'enquiert tout de même d'un dernier détail :
— Ils l'ont trouvé ? Le dealer créatif. Les stups l'ont chopé ? il précise son propos dans un second temps, voyant la grimace d'incompréhension de son partenaire.
Il est possible que rien ne soit encore paru dans la presse malgré la résolution de l'affaire, d'où la validité de sa question.
— Nan, pas que je sache. Mais il leur a un peu rendu service, donc je me demande s'ils ne font pas volontairement traîner, a juste le temps de répondre Pat avec un sourire en coin, avant que quelqu'un ne décroche au bout du fil.
Sam se rassoit pour retourner à son étude approfondie des éléments du crime, mais conserve une expression perplexe sur le visage. Voyant que son équipier a encore beaucoup d'établissements à contacter, à chacun desquels il doit envoyer la photo et les informations du décédé, il est pris d'un élan de culpabilité de toujours jouer la carte de la séniorité pour éviter les tâches les plus ingrates. Il n'est cependant pas aussi désolé qu'il peut parfois l'être, car en l'occurrence il a une idée en tête. Laissant son bureau en plan, il s'élance dans le commissariat. Il a peut-être tort, mais il préfère en avoir le cœur net.
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