1x02 - Deux temps, trois mouvements (7/15) - Mojo
En fin de matinée, Robert et Markus sont assis dans un amphithéâtre, à écouter un professeur leur parler d'éthique. Il y a des sujets qui reviennent tous les ans, et bizarrement ce ne sont jamais les plus fascinants. Non pas que les deux garçons ne considèrent pas l'éthique comme importante, mais à leurs yeux elle relève plus du bon sens que d'une réelle connaissance.
Rob a posé sa tête sur sa main, mais glisse petit à petit et de plus en plus vers l'avachissement complet. Mark lutte également pour rester concentré, quoiqu'ayant choisi de bien s'adosser dans son siège, justement pour éviter ce qui est en train d'arriver à son voisin. Il tapote le bord de leur plan de travail avec son stylet, n'ayant rien écrit avec depuis un certain temps déjà, ne jugeant qu'aucun des cas concrets exposés ne le mérite réellement.
Peut-être que son cerveau établit des corrélations étranges, mais le sujet du harcèlement sexuel (qui n'en est d'ailleurs pas dans ces exemples de mariages entre docteur et patient), le fait repenser à la conversation partagée plus tôt dans la matinée. Et surtout à la façon insatisfaisante dont elle s'est terminée.
— Pourquoi est-ce que TU ne vas pas parler à une fille ? propose tout à coup Markus à son pote, le mettant pratiquement au défi.
Il n'a pas dit vivre par procuration sans raison. C'est un choix de mots bien incongru, venant de lui ; il n'a jamais été le plus timide des deux, et de loin.
— D'où ça sort ? s'étonne Bob, à moitié assoupi.
Il se redresse et dévisage Markus, ne voyant de toute évidence pas du tout à quoi il fait référence. Ce dont l'autre ne peut pas le blâmer, son cheminement mental lui paraissant tortueux à lui-même, rétrospectivement.
— Si je fais honte à la gent masculine juste en ne prenant pas le numéro d'une fille, pourquoi est-ce que TOI tu ne le fais pas ? il choisit de référencer une phrase marquante de la conversation qu'il essaye de poursuivre, pour aider son compagnon à la resituer.
Les yeux de Robert s'agrandissent lorsqu'il se rend compte, au bout d'une petite seconde, de ce dont il est question.
— Pas n'importe quelle fille. Une jolie fille. Et je ne pensais pas que cette remarque te marquerait autant, il précise puis s'étonne.
Les deux se chambrant mutuellement en permanence, il est rare qu'un commentaire reste à l'un ou l'autre. Ce n'est pas le cas en l'occurrence, Rob se méprend simplement sur les intentions de son interlocuteur.
— C'était quand, ta dernière copine ? Mark envoie la balle dans le camp de son ami, espérant qu'il comprendra cette fois que c'est de lui qu'il est question.
— Ouh. Becky. Première année de Pre-Med. Elle était cinglée, répond cependant l'autre sans l'ombre d'un complexe.
Markus ouvre la bouche comme pour continuer sa maïeutique rudimentaire, mais reste soudain figé en silence, comme s'il venait de comprendre quelque chose. Il referme finalement ses lèvres et détourne le regard.
— Quoi ? Tu te souviens pas d'elle ? demande Robert, surpris de cette réaction.
S'il voulait lui retourner la faveur de son commentaire moqueur, c'était le moment où jamais. La dénommée Becky était la fille la plus jalouse qu'ils aient jamais rencontrée. C'est elle qui avait décidé de rompre, bien que le jeune homme n'en ait pas spécialement été chagriné, et elle a tout de même mis le feu aux affaires qu'il avait laissées chez elle. Ce qui, en y repensant, était peut-être finalement lié.
— Si, mais je me rends compte que j'aurais effectivement dû prendre les coordonnées de Jena, Mark explique son soudain mutisme.
Peut-être que Rob était après tout réellement incrédule face à son comportement lors de sa rencontre avec la jeune femme. Il est parfois difficile de se remettre en question.
— Tu m'apprends rien de nouveau, là, Robert l'incite à poursuivre le raisonnement derrière sa révélation, à haute voix cette fois.
— Mec, la dernière fois que je suis sorti avec une fille c'était en deuxième année de Pre-Med. C'était il y a plus de deux ans, Mark expose, le regard toujours dans le vide.
— T'avais une copine à cette époque ? s'étonne l'autre, incapable de se remémorer ce détail.
— Exactement. On est allé boire un verre, et on s'est jamais recontactés, Mark confirme, revenant à la réalité et à son voisin.
— D'un autre côté, on passe notre temps à plancher. C'est normal que notre vie sociale en pâtisse, lui propose alors Rob, pragmatique.
— C'est à se demander pourquoi ils ont fait tant de séries télé sur la vie excitante des étudiants en médecine, renchérit Markus, posant son stylet dans un geste d'agacement, quoique doux, étant donné là où ils se trouvent.
— C'est sur celle des internes. Mais je crois quand même qu'ils romancent un peu le truc, oui, Robert tombe à peu près d'accord.
— Il faut qu'on récupère notre groove, vieux ! s'exclame l'aîné des Quanto avec détermination, aussi haut qu'il lui est possible dans un amphithéâtre sans se faire remarquer par les rangées environnantes.
Non pas que leurs voisins, dans quelque direction que ce soit, semblent particulièrement plus absorbés par la leçon qu'eux.
— Mec. Quand est-ce qu'on a eu du groove ? lui retourne cependant Robert, terre à terre.
Markus le dévisage avec un mélange d'atterrement et d'exaspération. Il n'était pas obligé de briser son enthousiasme avec sa stupide logique. Cette fois pas séparé de lui par une table, il lui accorde le fameux coup de poing dans le bras qu'il aurait déjà voulu lui donner plus tôt dans la journée. Une nouvelle fois, Rob mime la douleur des lèvres, mais ne riposte pas. Il l'a bien mérité, en même temps, à toujours prendre le contrepied de ce qu'il lui raconte.
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