1x02 - Deux temps, trois mouvements (4/15) - Livraison spéciale

Assis à sa console dans son laboratoire, Aleksander est complètement absorbé par le design de la prochaine génération d'exosquelettes pour ses nano-robots médicaux. L'apparence n'est pas ce qu'il préfère dans son travail, mais il ne peut pas déléguer la tâche, le seul à connaître les contraintes mécaniques de ses microscopiques machines.

Autour de lui, TOBIAS a projeté des articles sur le sujet des méthodes de reconnaissances de corps étrangers dans un organisme vivant, dont le Professeur a dû s'aider pour savoir quels éléments inclure sur les carcasses de ses mini-bots afin que qui de droit puisse les identifier facilement sur le terrain.

Si le dessin ne lui parle pas tellement, il apprécie tout de même le rapport au concret que cette étape lui apporte. Lorsqu'il en arrive à ce stade de la conception, il n'a plus de doute quant à l'application pratique de ses créations. Et c'est un sentiment agréable.

— Professeur Quanto ? une voix féminine le sort brusquement de ses pensées.

Comme il est protocolaire à l'entrée d'une personne inconnue dans le laboratoire, TOBIAS éteint tous les périphériques d'affichage, ce qui ajoute à la surprise de l'ingénieur. Le quadragénaire sursaute violemment, dérapant sur son dessin.

Il se tourne ensuite vers la porte, pour y découvrir l'une des réceptionnistes qu'il voit tous les matins au rez-de-chaussée. La vision familière, même si déplacée, le rassure, et il détend sa posture aussi bien que son visage.

— Oui ? il répond d'un ton étonnamment posé par rapport à la frayeur qu'elle voit bien qu'elle vient de lui faire.

Tandis qu'il annule le trait déplacé sur son écran d'un geste précis du poignet, la jeune femme reste un instant interdite, hésitant à s'excuser. Devant un calme aussi communicatif, elle finit par y renoncer.

— Un paquet pour vous, elle annonce au lieu de ça, s'avançant jusqu'au bord des marches qui descendent jusqu'à l'espace central du bureau.

— Pardon ? il demande, se levant et fronçant les sourcils.

— Un colis est arrivé pour vous, se répète la secrétaire, tendant l'enveloppe brune encore un peu plus devant elle.

— Il doit y avoir erreur, il rétorque, ne faisant pas mine de saisir l'objet.

Il n'a fait aucune demande de matériau. Et personne ne lui a rien annoncé.

— J'ai vérifié. Trois fois. C'est bien pour vous, Professeur. Tenez, se permet d'insister la jeune femme à frange brune, donnant une petite secousse à la grosse enveloppe.

— Eh bien… merci, l'ingénieur retrouve enfin ses manières et s'avance pour enfin accepter ce qu'on lui tend si gentiment.

La secrétaire sourit et s'incline légèrement, heureuse de rendre service.

— Bonne journée, elle conclut sa visite, tournant les talons, d'ailleurs étonnamment peu bruyants sur le sol carrelé, malgré leur hauteur.

— Vous aussi, Emily, lui répond machinalement le Professeur, déjà à l'examen du mystérieux paquet.

Alors qu'elle était déjà à la porte, la jeune femme a un moment de pause, étonnée qu'il connaisse son prénom. Elle n'est pas là depuis un an. Ce qui explique sans doute qu'elle ait commis l'erreur d'entrer sans frapper. Elle sourit pour elle-même, replace une mèche derrière son oreille, puis s'en va.

Dès que la porte s'est refermée derrière elle, TOBIAS rallume tous les écrans qui l'étaient précédemment. D'un grand geste transversal, Alek lui intime cependant de les mettre de côté pour l'instant.

— Scan, il requiert ensuite de l'intelligence artificielle, qui s'exécute sans doute, bien qu'aucune manifestation visuelle de son travail n'apparaisse.

Des vérifications de sécurité ont forcément été effectuées à la réception du paquet à l'accueil, mais on n'est jamais trop prudent.

— C'eSt SaNs DaNgEr, PrOfEsSeUr, conclut la voix de synthèse après quelques minutes.

Aleksander ouvre alors l'enveloppe avec soin, pour en retirer une épaisse liasse de papiers, ce qui redouble sa surprise. Les enveloppes sont rares, même si parfois nécessaires. Du papier d'imprimerie, en revanche, il ne se souvient pas de la dernière fois qu'il en a tenu entre ses mains. Il ne saurait même pas qui a les installations nécessaires pour le produire.

Portant la pile à l'horizontale à hauteur de ses yeux, il hausse les sourcils en découvrant que les documents manuscrits sont qui plus est dotés d'un filigrane empêchant la numérisation. Voilà qui est décidément bien analogue. Très inhabituel.

Son IA ne pouvant plus lui être d'aucune aide à ce stade, Alek se rassoit à son bureau, et vérifie que les manches de sa chemise son convenablement retroussées jusqu'à ses coudes. D'après l'épaisseur de la liasse, la lecture qu'il s'apprête à entamer promet d'être longue.

Scène suivante >

Commentaires