1x02 - Deux temps, trois mouvements (15/15) - Deux frères
Les deux frères Quanto, Samael et Aleksander, sont en communication l'un avec l'autre, chacun occupé à préparer à dîner, l'un pour lui tout seul dans son appartement, l'autre pour toute sa petite troupe dans la cuisine de sa maison.
— Comment est-ce que je pourrais croire que les deux évènements ne sont pas liés ? déclare Alek en ouvrant un placard.
L'ingénieur vient de raconter en détails les évènements de sa journée à son fraternel. Il avait besoin d'évacuer sa frustration, et Sam est la seule personne avec qui il puisse réellement échanger. C'était déjà le cas avant sa rencontre avec Jude, son épouse, et ça l'est redevenu après sa mort.
— Parce que tu es un foutu prodige, et que si ce labo a besoin de toi, il y a peu de chances qu'ils aient quelqu'un capable de contourner tes pare-feu ? lui propose son cadet, refermant son réfrigérateur, une bouteille de bière à la main.
Il est rare que les affaires de meurtre à composante numérique ne soient pas entièrement transférées au département cyber, mais il a tout de même une vague idée du déroulement de ce type d'enquêtes.
— D'accord, mais ça me paraît encore moins crédible qu'un tiers parti soit parvenu à m'infiltrer le jour où j'apprends, par le service postal, que je vais devoir collaborer avec un admirateur secret, rétorque Aleksander, tout en attrapant une boîte de pâtes et refermant le placard.
— C'est sûr que dit comme ça… concède Sam, s'appuyant en arrière sur son plan de travail, et décapsulant sa bouteille avec sa paume.
Sing Sing est dans un coin de la cuisine, occupé à lécher sa gamelle qu'il vient de vider jusqu'à un état de propreté potentiellement supérieur à celui qu'elle possédait à sa sortie de l'usine. L'oncle le surveille, conscient que dès qu'il aura fini cette tâche il viendra quémander auprès de lui.
Parallèlement, Alek, ayant mis ses spaghettis dans de l'eau frémissante, fouille désormais dans son bac à légumes pour décider desquels il va découper en rondelles.
— Si c'est vraiment eux, tu devrais leur en toucher deux mots. Ou leur rendre la pareille, poursuit l'inspecteur, un rien plus belliqueux que son frère.
— Je vais commencer par m'assurer qu'il n'y a bien aucun dommage. Après, on verra, le tempère son aîné, récupérant un couteau dans un tiroir.
Malgré son agacement à toute cette histoire, il n'est pas enclin à déclarer la guerre à qui que ce soit. S'il n'y a réellement aucun mal comme il semble l'avoir déterminé dans son analyse préliminaire de cet après-midi, il ne voit pas ce que ça pourrait apporter. Et puis, il lui reste à prouver qu'il s'agit effectivement de ses nouveaux futurs associés, même si c'est la seule possibilité qui fait sens à ses yeux pour l'instant.
— Attends, même si c'était de la reconnaissance, c'est intrusif. Te laisse pas faire, Al' ! essaye de le motiver Sam, ne partageant pas son pacifisme.
— J'en saurai plus sur eux dans une semaine. J'aviserai à ce moment-là, insiste Aleksander dans sa position non-violente.
À l'autre bout du fil, le plus jeune des deux frères lève les yeux au ciel. Après une ultime gorgée, il pose sa petite bouteille de verre et va récupérer son dîner dans son four, qui clignote pour signaler qu'il a terminé son ouvrage. Le trentagénaire manque de se brûler en transportant le plat jusqu'à la table, mais est suffisamment rapide pour éviter l'accident grave. Il va tout de même tenir sa main sous l'eau, pour être sûr.
— Je sais pourquoi je n'ai aucune patience : les parents t'avaient déjà tout donné bien avant ma naissance, il lance à son frère.
Voici une phrase qu'il utilise pour bien des qualités. Patience, tolérance, optimisme, définitivement calme. Bien sûr, c'est une exagération, mais il n'est pas non plus possible de nier que les deux hommes sont très différents sur tous ces points de leurs personnalités.
— Frustré par une affaire ? demande Alek, intuitif.
— Pas encore, répond Sam en retirant sa main de sous le robinet.
Il grimace et l'essuie sur un torchon. Son chien est venu s'asseoir à ses pieds en le voyant se blesser, et le couve d'un air inquiet. Le maître accorde une caresse et un sourire à l'animal, qui se remet à haleter, rassuré.
— Si moche que ça ?
— Disons que ça s'annonce bizarrement, se contente de dire l'inspecteur, tout en prenant des couverts dans un tiroir.
Avant que l'ingénieur ne puisse demander des précisions, ses enfants font irruptions dans le hall d'entrée. Ayant fait un détour pour déposer Robert chez lui en chemin, ils débarquent tous les trois seulement. Tout en retirant écharpes et vestes, ils repèrent leur père dans la cuisine, directement sur la gauche en entrant.
— Hey, Papa ! On est rentrés ! annonce Mae, alors qu'il peut très bien les voir déposer leur sacs sur le pas de la porte et le rejoindre dans la pièce.
— Hey, les accueille le quadragénaire en souriant.
— Caesar s'est fait mal à la main, cafte instantanément la benjamine.
Markus sourit, mais l'intéressé accorde un regard agacé à sa sœur. Elle se contente de pincer les lèvres, assumant parfaitement son acte de délation.
— C'est bon, c'était pas intentionnel, dédramatise l'adolescent avant que le pli d'inquiétude sur le front de son père n'ait tout à fait le temps de se creuser.
Il brandit sa main pansée pour confirmer ses dires, et l'expression de son géniteur s'apaise un peu.
— Quoi que ça veuille dire, ça… commente tout de même l'aîné des trois enfants dans un murmure, surpris de l'utilisation du terme 'intentionnel' par son cadet.
— Salut, Oncle Sam ! Mae adresse à son oncle lorsqu'elle repère sur la console de la cuisine qu'il est en communication avec eux.
— Hey, les gars ! C'est quoi ce que j'entends à propos de Caesar ? l'inspecteur demande plus de précisions que son frère.
— Je suis maladroit et un prof m'a mis de la verrerie entre les mains. C'est pas la fin du monde, poursuit Caes dans son effort d'étouffer l'affaire.
Sam rit, puis décide qu'il est temps de clore la discussion, Sing Sing lorgnant son repas en bavant à moitié.
— D'accord, s'il n'y a que ça, je vais considérer que tout va bien chez vous. Je suppose que c'est mon signal pour raccrocher. On reparle bientôt, frangin.
— Sans faute, l'assure Alek alors que la communication s'interrompt.
Toute la famille ne tarde pas à mettre la main à la pâte pour finir de préparer leur dîner. Les enfants mettent la table dans la pièce d'en face, tandis que le père poursuit la confection de son met.
De son côté, l'oncle célibataire mange directement dans le plat, sans même prendre la peine de s'asseoir, simplement accoudé à la table de sa cuisine. Il baisse les yeux vers son canidé à ses pieds, dont le regard se fait de plus en plus suppliant, et il finit par lui donner un bout de ses lasagnes en riant. Bien dressé malgré tout, l'animal s'en contente très bien, et après avoir pratiquement gobé son butin, va se coucher sur sa couverture, près de l'entrée de l'appartement, déjà prêt pour la nuit.
Ne partageant pas l'esprit tranquille de son animal, Sam emmène son plat avec lui jusqu'à la table intelligente du salon, sur laquelle il dépose son RFSD en provenance de sa poche arrière. Il affiche bientôt devant lui les éléments de son affaire en cours, essayant d'en faire sens comme il a tenté de le faire toute la journée. Il soupire. Ce dossier va être long, il peut le sentir.
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