1x01 - Capitaine Nemo (14/17) - Mr. Strauss

L'heure de leur cours de Maths venue, en début d'après-midi, Mae, Ellen, et Nelson se rendent jusqu'à leur salle habituelle, où attend déjà un petit nombre de leurs camarades de classe. Les conversations vont bon train, majoritairement sur le sujet de l'absence de Mrs. Hemmerson, ainsi que l'identité de son ou sa remplaçante, non renseignée sur le panneau d'affichage.

Alors qu'ils posent leurs sacs au pied de leurs pupitres et s'assoient, Mae à côté de Nelson et Ellen derrière elle, le trio découvre les théories les plus populaires : beaucoup pensent que Mrs. Hemmerson a un problème de santé lié à son âge avancé, et nombreux sont ceux qui parient que le remplaçant sera un enseignant appartenant déjà à l'établissement, comme Mr. Taylor par exemple. Les idées les plus farfelues, comme celle d'un enlèvement par des extra-terrestres, de l'intervention d'un serial-killer de mauvais profs, ou encore d'une victoire à la loterie, font rire quelques instants mais sont rapidement écartées, le sujet jugé trop grave pour réellement plaisanter.

La sonnerie qui retentit n'interrompt pas les bavardages, mais quelques coups discrets à la porte ont en revanche un effet immédiat. Les élèves qui étaient retournés sur leur chaise font instantanément demi-tour, et tous les yeux se rivent sur l'entrée de la salle.

Les quelques secondes de flottement entre la chute du silence et l'apparition de la personne ayant frappé paraissent durer une éternité. Puis, enfin, un homme de grande taille, devant avoir autour de 25 ans, fait ses premiers pas dans la pièce. Brun aux yeux abyssaux, portant à peine l'ombre d'une moustache et d'une barbiche, il sourit doucement à l'assemblée alors qu'il avance dans la pièce jusqu'à son bureau.

Inconnu de tous et donc invalidant la théorie selon laquelle il appartiendrait déjà à l'établissement scolaire, le jeune homme porte un costume noir et une chemise blanche avec cravate fine, associés à une paire de Converses tout aussi sobre, ce qui lui donne un air à la fois élégant et décontracté.

N'ayant rien sur lui, ni sac ni même une tasse comme le font certains professeurs, il se contente de saisir le stylet sous le tableau puis inscrit son nom sur ce dernier, d'une écriture parfaite : "H. V. Strauss". Il pose ensuite le crayon numérique là où il l'a pris et se retourne vers la classe, toujours ce même léger sourire aux lèvres.

— Bonjour, tout le monde. Je m'appelle Strauss, et je suis ici pour remplacer votre professeur de Mathématiques. Des questions ?

Une vague muette de soulagement passe sur la salle devant l'amabilité de leur nouveau professeur, dont le sourire s'accentue alors imperceptiblement, comme s'il sentait ses élèves se détendre. Il a même eu la lucidité épatante de se présenter par son nom de famille, appellation invariablement utilisée par tout lycéen pour désigner la plupart de ses professeurs, sans même la distinction d'un Monsieur ou Madame, bien que rarement devant eux.

— Qu'est-ce qui est arrivé à Mrs. Hemmerson ? demande un garçon à lunette, à l'avant-dernier rang.

— Même si je le savais, je ne serais pas autorisé à en discuter avec vous. Ceci dit, autant que je sache, ce n'est rien de grave, répond calmement Strauss, les mains dans les poches de son pantalon.

— Vous savez combien de temps elle sera absente ? interroge une jeune fille sur la gauche de la salle.

— Pas encore, non, il répond en secouant la tête à la négative.

Il attend encore quelques instants, survolant l'assemblée du regard, mais aucune nouvelle question ne fuse.

— Très bien, s'il n'y a rien d'autre, je suppose que nous pouvons commencer. On m'a dit que vous en étiez restés aux équations différentielles du premier degré. C'est correct ?

Après avoir reçu une vague confirmation sonore de la part de son auditoire, le remplaçant efface son nom du tableau à l'aide du rectangle prévu à cet effet, et y inscrit à la place, de mémoire, un énoncé simple correspondant au chapitre qu'il vient de mentionner, toujours dans cette même calligraphie d'une surprenante régularité.

Un léger brouhaha s'élève dans la salle, la majorité des élèves sortant seulement leurs affaires. Le jeune enseignant en profite alors pour venir s'asseoir sur le bord de son bureau avec désinvolture, tirant sur son pantalon pour pouvoir s'installer commodément.

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