1x01 - Capitaine Nemo (10/17) - Une revenante

Une main levée devant lui, à la hauteur de l'une des plateformes d'étagère de la bibliothèque, l'aîné des enfants Quanto, en chemise à carreaux sur T-shirt gris, parcourt les tranches des ouvrages médicaux entreposés dans une pièce annexe de la salle d'étude principale. N'importe quel livre est accessible sur le net, oui, mais l'intérieur de la bibliothèque n'autorise pas la connexion, à la fois pour une question d'expérience utilisateur mais aussi et surtout pour éviter qu'on ne vienne ici pour faire autre chose que lire. Les tables de la salle d'étude ne permettent d'ailleurs même pas la lecture de fichiers à composantes sonores, afin de préserver la quiétude des lieux. Dans l'éventualité où un visiteur rechercherait un volume qui n'est pas physiquement dans le bâtiment, qu'il ne pourrait donc pas télécharger dans les rayonnages, il doit soit s'adresser aux documentalistes, les seuls à avoir accès au web, soit l'avoir préalablement récupéré sur son RFSD depuis la toile.

Ayant enfin trouvé le traité de neuro-anatomie qu'il cherchait, Markus amène sa carte mémoire au contact de la puce incrustée dans la vitre qui l'en sépare, afin de pouvoir le consulter tranquillement à sa table. Une fois le transfert terminé un instant plus tard, le jeune homme remarque une silhouette féminine sur sa droite, de coin de l'œil. Réflexe typiquement masculin, il la détaille rapidement de bas en haut. Ce n'est cependant que lorsqu'il arrive à la haute queue de cheval brune de la jeune femme qu'il se met à regarder vraiment, allant jusqu'à froncer les sourcils.

— Jena ? il laisse échapper, d'un ton incrédule.

Interpellée, la jeune femme se retourne.

— C'est à moi que vous…?

Elle ne termine pas sa phrase, fronçant à son tour les sourcils lorsqu'elle découvre celui qui l'a appelée.

L'inconnue a d'immenses yeux en amande d'un rare vert foncé, de hautes pommettes, et de très belles lèvres, quoiqu'elle ne soit pas en train de sourire. Portant un pull à rayures horizontales bleu marine et blanches, moulant mais aux manches un peu longues, et un slim noir glissé dans des rangers de même teinte, elle ne poursuit pas immédiatement. Voyant son air perplexe, Markus se garde de dire quoi que ce soit non plus.

— Mark ? reprend finalement la jolie brune, l'air décidément interloquée, mais confirmant la suspicion du jeune homme quant à son identité.

— Waw. Jena Miller. Si on m'avait dit que j'allais te croiser aujourd'hui, je ne l'aurais pas cru.

La jeune femme a un bref sourire tout aussi incrédule, puis rajuste la position du sac qu'elle porte en bandoulière, gênée.

— Je retourne le compliment. Comment tu m'as reconnue ? elle interroge en replaçant une mèche derrière son oreille, décidément mal à l'aise, comme prise en faute.

— J'ai été assis derrière toi en cours de littérature pendant presque deux ans ; j'ai une excellente raison de te reconnaître de dos. Je suis plus surpris que toi tu te souviennes de moi, en fait.

Elle se mordille nerveusement la lèvre inférieure tandis que lui sourit toujours, la surprise de tomber sur la jeune femme lui étant apparemment agréable.

— J'ai une bonne mémoire des visages, je suppose, elle se justifie en haussant les épaules.

Il accepte l'explication en hochant la tête.

— Est-ce que… tu es de retour chez tes parents ? il lui demande, tout à coup plus sérieux.

— Oui, elle confirme avec concision.

— Ça fait longtemps ? il poursuit, toujours sur le ton de la délicatesse imposée par un sujet sensible.

— Quelques jours.

La réponse fait hausser les sourcils à l'étudiant en médecine, visiblement surpris par la fraîcheur des évènements.

— Et ça se passe comment ? il s'enquiert alors, se voulant engageant, même si l'embarras de son interlocutrice est évident.

— Aussi bien que je pouvais l'espérer, je suppose.

Le sourire qui apparaît sur le visage de la jeune femme est de courte durée. Et ça fait beaucoup de suppositions. Markus peut néanmoins aisément comprendre sa gêne.

— D'accord. C'est bien. Je ne vais pas t'embêter plus longtemps. Ça fait plaisir de te revoir, en tous cas. Bonne journée.

Après un dernier sourire, il s'en retourne d'où il est venu, sa carte RFSD à la main.

— Bonne journée à toi aussi… elle chuchote à peine alors qu'il est déjà trop loin pour l'entendre.

La jolie brunette reste encore debout là sans bouger quelques instants, pondérant la rencontre qu'elle vient de faire. Elle finit par secouer la tête pour achever de se sortir de ce moment de trouble, et fait volte-face vers l'étagère qu'elle était en train d'explorer avant que Markus ne l'interrompe.

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