Troisième Jour - Zarbi (2/7)

L'avantage d'une Vik invisible, c'est que j'ai une excuse pour ne pas lui répondre lorsqu'elle m'adresse la parole. Disons même carrément que je suis obligé de l'ignorer. Si ça n'étonne personne que j'aie un cercle de vide autour de moi dans les couloirs, en revanche on risque de le remarquer si je me mets à parler tout seul. Ce qui me surprend, c'est que la Botaniste ne profite pas de mon impossibilité de réagir à ses actions pour m'exaspérer. Je me serais attendu à ce qu'elle me parle sans discontinuer, son camouflage couvrant également sa voix, voire qu'elle me fasse des grimaces, mais non, elle s'est adossée dès le début contre un mur et n'a pas franchement changé de position pendant presque quatre heures. Quatre heures ! Venant d'elle, ce comportement est inquiétant. J'ai fait quelque chose qu'il ne fallait pas ? Attendez, je viens réellement de me demander ça ?

Aujourd'hui, c'est Chimie. Mes collègues et moi sommes donc réduits à l'état de jeunes gens en blouse blanche avec des lunettes de protections sur le nez, mélangeant des produits colorés et parfois fumants dans des bocaux de tailles et de formes diverses. C'est cliché, mais c'est drôlement marrant. Je suis installé au fond de la salle, seul comme je l'ai dit, et je suis quand même en avance sur les autres. Mais pour une fois, il en était déjà ainsi avant que je devienne Magnet. Enfin quelque chose qui n'a pas été radicalement amélioré. Pas besoin de capacités de compréhension accrues dans un laboratoire, c'est purement de la mise en pratique des connaissances, et si j'ai acquis ces dernières plus rapidement qu'à l'accoutumée, elles n'en sont pas meilleures que si j'avais dû potasser pour les avoir en tête. La seule chose qui pourrait m'aider serait peut-être mes réflexes qui se sont beaucoup affutés ces derniers mois, mais ça reste infime. Je me délecte donc de mes expériences, qui me rappellent bêtement une époque révolue

Occupé à savourer ce semblant de normalité retrouvée, je ne vois pas la catastrophe arriver. Ce qu'un humain peut être balourd ! Et je vis avec la personne la plus maladroite de l'univers, pourtant. Le prof annonce placidement la fin du TP, nous enjoignant de ranger notre matériel et tout ce qui s'en suit. C'est-à-dire, entre autres, de vider nos bocaux dans les bidons appropriés placés aux quatre coins de la salle. Non mais quel abruti irait jeter des produits chimiques dans un évier après le nombre de problèmes environnementaux que ce genre de comportement irresponsable a causé, de toute façon ? Toujours est-il qu'on commence à s'activer pour tout remettre en ordre avant de quitter la salle. Un membre du binôme occupant la paillasse située devant la mienne s'empare du portoir supportant ses tubes à essais toujours pleins. N'importe quel élève au MIT sait transporter ce genre de choses, c'est une question d'habitude. En revanche, rares sont les élèves gymnastes. Le type glisse sur le sol, ironiquement parfaitement lisse justement pour éviter qu'on ne trébuche dans une anfractuosité quelconque, et comme n'importe qui d'autre l'aurait fait à sa place, bat des bras pour retrouver l'équilibre. Sauf que là, dans ses gesticulations désordonnées, il balance tout un tas de produits potentiellement corrosifs devant lui. Son portoir s'écrase contre le mur à une dizaine de centimètres de la tête de Vik, les tubes explosent sous le choc, et les produits colorés viennent crépir le débardeur blanc de la Botaniste.

Ni elle ni moi n'avons eu le temps de réagir. On ne pouvait pas s'attendre à ÇA, donc nous n'étions pas en alerte. Alors que je la dévisage, interdit, et qu'elle me renvoie un regard froid comme la mort, le prof se précipite vers le responsable de l'incident qui a, malgré tous ses efforts, chu à plat ventre sur le sol. Voyant qu'il va bien et que c'est le mur qui a reçu les produits chimiques, l'enseignant déclare l'incident sans gravité et renvoie tout le monde à sa place sans délai. Personne ne remarque qu'un espace de la cloison est exempt de tâches ; Vik n'est pas assez volumineuse pour ça. Personne ne remarque non plus que je fixe le vide avec de grands yeux. Son haut est juste taché, rien d'aussi matériel ne pouvant l'attaquer tant qu'elle ne l'a pas autorisé, mais sa mâchoire serrée et les éclairs sombres dans les yeux de la Botaniste me laissent penser qu'elle n'est pas exactement indifférente à ce qui vient de se passer. Sans compter le gonflement exponentiel de la luminosité de son aura.

Je commets l'erreur de grimacer, signe que je suis désolé même si je n'y suis pas pour grand-chose, et elle sort de la pièce d'un pas rageur. Oops. Je range mes affaires, vite fait bien fait, et après un furtif signe à mon prof qu'il ne voit probablement même pas, je m'élance à la poursuite de la Botaniste en rogne, blouse par-dessus l'épaule. Je n'ai pas fait dix mètres que je percute quelqu'un. Mais c'est quoi le délire ? Tout à l'heure j'avais trop d'espace ! Le dérivé, puisque c'en est fatalement un, s'est étalé sur le dos, de tout son long, mais se redresse déjà sur ses coudes, l'air un peu surpris. Trop bien élevé pour le laisser là et continuer ma course sans même m'arrêter une seconde, je lui tends une main secourable dont il se saisit avec un large sourire. Une fois debout, il n'est pas loin de faire ma taille. Je tique sur sa casquette kaki, la mèche noire tombant presque sur son œil gauche, son T-shirt Star Wars, son gilet à capuche aux couleurs flashy, et la clé USB qui pend autour de son cou. Ce gars est vivant, et il ne doit pas être loin d'avoir mon âge. Bizarre.

- Tout va bien ?

Ne soyez pas mesquins, évidemment que je ne sous-entends rien à propos de ses fringues !

- Ouais, t'inquiète. Sale caractère, pas vrai ?

Il a toujours ce large sourire, celui qu'on doit avoir quand on a pêché un énorme poisson plus gros que soi.

- Pardon ?

- Ben tu cours après la d'moiselle qui vient de passer, non ?

Il pointe derrière lui avec son pouce, par-dessus son épaule.

- Beau morceau, mais elle avait l'air sacrément en pétard.

De quoi se mêle-t-il ?

- On se connaît ?

- Non, pas encore, moi c'est…

Je l'interromps du geste.

- Écoute, je suis désolé de t'avoir renversé, vraiment, mais là tu n'es pas en danger et elle, c'est un danger pour toute la ville. Au moins. Donc, désolé de devoir écourter, mais il faut absolument que je la rattrape avant qu'elle ne fasse exploser un truc. Ou pire. D'accord ?

Je le regarde droit dans ses grands yeux marrons. J'ai l'impression d'avoir face à moi un petit bambin. L'impression est bien plus forte que lorsque Vik m'a fait sa gamine tout à l'heure.

- No souci !

L'innocence qui se dégage de lui est déroutante. Ceci dit, je n'ai pas menti, il n'est pas en danger. Si on s'est rentré dedans ce doit être simplement parce qu'il est étourdi.

- Merci.

Je lui accorde un sourire, une tape amicale sur l'épaule, puis reprends ma course.

- À plus ! je l'entends me lancer de loin.

Pourquoi suis-je si intimement convaincu, sans même me retourner, qu'il me fait signe de la main ?

Focalisé sur l'aura de Viky, j'oublie bien vite l'inconnu. Ma traque n'est pourtant pas particulièrement ardue, la silhouette de la Botaniste furieuse brillant de mille feux dans ma tête. Et en plus on dirait bien qu'elle rentre tout droit chez moi. C'est une blague ? Je soupire, lève les yeux au ciel, et emprunte un raccourci qui me permet de lui couper la route. Lorsqu'elle m'aperçoit elle hésite une fraction de seconde puis continue finalement à marcher de son pas si décidé, me snobant royalement en passant à ma hauteur. Je fais rouler mes yeux dans leur orbite et la rattrape en trottinant. Et puisqu'elle n'a pas l'air d'avoir envie de dire quoi que ce soit, je vais me charger d'engager la conversation. Dire que j'aurais donné pas mal de choses pour qu'elle se taise, un peu plus tôt dans la journée !

- Vik.

Pas de réaction.

- Vik !

Elle tourne brusquement la tête vers moi, son regard toujours aussi électrique. J'ai malgré moi un mouvement de recul.

- Quoi ? aboie-t-elle.

- Qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi tu te mets dans un état pareil ?

Je comprends sa contrariété, mais n'en fait-elle pas un peu trop ?

- Je suis une Botaniste ! Je n'en cède en puissance qu'aux Anges ! Aux Anges, tu entends ? Je n'ai rien à faire ici !

Elle fait de grands gestes désordonnés avec ses bras avant de les croiser devant sa poitrine. Dwight fait ça aussi, je note, quoique pour des raisons différentes.

- Et ce sont des taches sur ton débardeur qui te font penser à ça ?

Je plisse les yeux.

- Des taches ? Des taches ?! J'ai reçu 6 sortes d'acides et de bases différentes !

Elle tire son vêtement pour en témoigner.

- Ce n'est pas comme si tu étais blessée.

Peut-être que je ne devrais pas sourire comme je le fais, parce que ça aggrave sans doute la situation, mais je ne peux pas m'en empêcher. Il y a tellement d'énergie dans une si petite personne.

- Tu as une idée de la dernière fois qu'une matière de provenance humaine m'a atteinte ? Rien qu'une petite ?

Elle hausse un sourcil, me défiant du regard.

- Non.

Je fais la moue. Pas la moindre.

- Et bien c'est normal ! Parce que ça fait un sacré bail !!!

Il n'y a que ça ?

- Tu te sens… humiliée ?

Il y a forcément autre chose.

- Non, pas du tout…

Sarcasme, sarcasme, quand tu nous tiens…

- Tu sais, c'est rien. Personne n'a besoin de le savoir, en plus.

Que j'en arrive à consoler une meurtrière, ça c'est grave.

- Moi je le saurai ! Et LeX. Et Dwight. Et même H. Si H le sait autant dire que n'importe qui le saura. Et puis même, j'en ai marre. Juste marre, okay ? J'ai pas le droit ? C'est ta faute et celle de ton stupide stupide STUPIDE Tuteur tout ça. Vous m'avez capturée PILE quand LeX débarquait. D'accord, vous ne pouviez pas savoir quel jour elle arriverait exactement, mais c'est quand même une sacrée coïncidence. C'est pas dans ces circonstances que j'avais prévu de la revoir. Et puis : me capturer ? Franchement ? Vous ne connaissez pas la diplomatie ou n'importe quoi dans ce goût-là ? J'ai pas l'habitude de me faire trimballer comme… comme…

- Un pantin ? je propose, me mordant la langue immédiatement après.

- De me faire trimballer, point.

Elle expire bruyamment.

- Il y a quoi que ce soit que je puisse faire ?

Ça fait seulement trois jour qu'elle est parmi nous. À en croire notre amie la Messagère, elle est censée rester au moins une bonne partie des deux semaines. Autant calmer le jeu tout de suite.

- Demande-moi de te frapper, répond-t-elle froidement.

- Quoi ?

Quoi ?

- Si tu me le demandes, LeX ne pourra rien trouver à redire au fait que je l'ai effectivement fait.

C'est tout de suite beaucoup plus logique.

- Il n'y a vraiment rien d'autre que je puisse faire ?

- Tu n'as pas l'intention de me laisser te frapper ? en conclut-elle.

- Non.

Surtout que je me doute de la puissance qu'elle peut mettre dans un coup. Magnet ou pas, je préfère éviter.

- Alors je vais encore être énervée un petit moment.

Sur ce, elle clôt le sujet d'un hochement de tête entendu.

Entre temps, nous avons rejoint mon immeuble. Nous grimpons les marches en silence. Ce qu'il y a d'optimiste dans sa dernière déclaration, au moins, c'est qu'elle sous-entend l'existence d'un instant t à partir duquel elle cessera d'être en colère. Tout du moins, en colère à cause de ça. Ça passera, c'est toujours ça de pris. Nous arrivons finalement dans mon couloir. La petite brune se rend chez LeX, ouvrant la porte pratiquement sans la toucher, en quête d'une tenue de rechange, et moi je rentre chez moi, tout simplement. Je trouve Perry dans le couloir, adossé au mur, étrangement dans la position exacte que Viky a prise toute la matinée. Gimmick paradisiaque ? Je lui renvoie le sourire bienveillant qu'il m'accorde sans hésitation, de même que son fameux salut sous forme de hochement de tête. Il n'était pas là à mon réveil ce matin, mais on ne me prendra pas à le questionner à ce sujet.

- Où est Vik ? demande-t-il en jetant un coup d'œil par-dessus mon épaule.

- Elle est partie se changer.

Je rajouterai bien "et se calmer", mais j'ai comme un doute sur ce point.

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

Il fronce les sourcils derrière son masque. J'imagine malgré moi la cicatrice que cette simple mimique met en valeur et qui devrait, d'après moi, être visible à tout le monde sans qu'il ne risque la damnation ou quoi que ce soit.

- Il y a eu un accident entre son haut et des produits chimiques.

Je n'ai pas le cœur d'entrer dans les détails.

- Aha ! Je l'savais !

La voix victorieuse d'Hannibal surgit du salon, me surprenant et faisant soupirer Perry, qui ferme les yeux.

- Pfff… T'sais même pas si elle compte pas y r'tourner !

Dwight ? Il a l'air désabusé.

- Ils ont parié que Viky ne tiendrait pas plus d'une demi-journée, m'explique le Jardinier sans rouvrir les yeux.

- Et Dwight a parié en sa faveur ?

De plus en plus bizarre.

Perry rouvre enfin les yeux, hausse les épaules pour toute réponse, un sourire énigmatique caressant ses lèvres, et s'en va au salon, où je le suis. Hannibal est dans le canapé, tête en bas, pieds en haut, chevilles croisées. Luther a été libéré sur la table basse, en compagnie d'une feuille de salade sans doute transgénique. Quant à Dwight, il est plus ou moins "assis" par terre, et il regarde le petit reptile avec attention. Ils pourraient tous les trois rester des heures comme ça. Ce qu'ils ont d'ailleurs sûrement fait pendant mon absence. C'est atroce d'être désœuvré à ce point. Je prends note dans ma tête de leur trouver quelque chose de constructif à faire de leurs journées. Tout le monde dans cet appartement semble s'ennuyer à mourir tant qu'aucune de mes missions magnétiques n'est en cours. J'ai toujours laissé Dwighty tout seul pendant que j'allais en classe, mais maintenant qu'il n'est plus tout seul, justement, il semble à court d'idées pour s'occuper, et personne d'autre ici n'a sa ressource naturelle, de toute évidence.

Le Jardinier Suspendu prend sa place favorite dans un coin de la pièce, entre une fenêtre et une bibliothèque, virtuellement invisible entre les rayons aussi bien de lumière que de livres. Moi, je reste dans l'entrée, contemplant la scène d'une immobilité parfaite si on oublie les lents mouvements de Luther, de temps à autres. Je les comprends. J'ai une fâcheuse tendance à m'ennuyer moi-même en cours, ces derniers temps, et cette tendance ne fait que s'accentuer de jour en jour. D'un côté, qu'y puis-je ? Je ne vais pas balancer mes études comme ça, peu importe combien l'envie peut être grande, parfois. À ce que m'a raconté Hannibal, mes parents ont disparu de la circulation humaine avec un certain panache, lorsque le fait qu'ils ne vieillissaient pas allait devenir trop choquant. Encore plus de panache qu'avec ce crash dans le Pacifique. Je lâche un gros soupire. Trop compliqué, tout ça.

- Chagrin d'Amour ?

LeX, qui s'est silencieusement coulée derrière moi, me fait sursauter, Hémistash sur son épaule, comme à ce qui semble être son habitude. Cette fois la bestiole a pris la forme d'une fouine… au pelage d'un violet profond.

- C'est malin, je commente en secouant la tête.

La créature de la Messagère bondit au sol et va s'asseoir à côté de Luther auprès duquel elle se statufie, au sens figuré bien entendu.

- Attends ! Je peux te surprendre, j'en profite ! Et puis si tu veux tout savoir, j'ai fait ça de la part de Viky.

- Ça va tout de suite mieux, ajoute cette dernière en entrant à son tour dans le couloir, un T-shirt cyan ayant remplacé son débardeur plus si immaculé que ça.

- Tu vois qu'il y avait quelque chose d'autre.

Elle me tire la langue.

- Je ne retourne quand même pas avec toi cet après-midi, réplique-t-elle.

- Oh nan !

L'exclamation aussi sonore que dépitée provient de Dwight qui, sous mes yeux ébahis, se lève et enlève son T-shirt.

- Mais qu'est-ce que… ?

- Mais qu'est-ce que… ?

Vik et moi avons parlé à l'unisson, aussi stupéfait l'un que l'autre. Perry et H l'avaient vu venir, apparemment. LeX se contente de hausser un sourcil en lâchant l'un de ses fameux rictus carnassiers.

- Je gagne toujours.

Même un aveugle saurait l'immense sourire d'Hannibal à tel point il s'entend dans sa voix.

- Ils ont parié leur T-shirt.

Perry pourrait faire voix off dans un documentaire. N'empêche que c'est un bien drôle d'enjeu…

- Quoi ?!

La voix de la Botaniste atteint des sommets d'hystérie. Mains sur les hanches, l'air clairement décontenancé, elle regarde tour à tour Dwight et Hannibal sans savoir sur lequel décharger sa colère retrouvée. C'est vrai que parier sur sa coriacité n'est pas la plus délicate des choses à faire en sa présence.

- Er… J'm'excuse… ? propose Dwight.

A-t-on déjà vu quelqu'un avec autant de bonne volonté ? Et en même temps autant de maladresse ?

- À ma connaissance, tu as parié en ma faveur, non ? lui crache-t-elle presque.

- Mouais.

Avec ses grands yeux de chien battu, j'aurais été incapable de lui en vouloir plus longtemps. Au contraire, ça semble exacerber l'irritation de la Botaniste !

- Alors pourquoi tu t'excuses, espèce de gros débile ?

Ce n'est pas vraiment une question.

- Mais… !

Il n'a pas le temps d'en placer une autre.

- Et tu trouves ça malin, peut-être, H ?

Elle a au moins le bon sens de repérer l'ange déchu comme l'initiateur du pari. Ce qui m'échappe, c'est ce qu'il en retire. Enfin, énerver Vik, oui, mais quel est l'intérêt de mettre Dwight à moitié nu ?

- Je l'avais prévenu mais…

Perry n'aurait pas dû s'en mêler. Je serre les dents avant même que les mots passent les lèvres de Vik.

- La ferme, Per'. J'ai jamais pu t'encadrer, fais pas comme si on était potes !

Le Jardinier Suspendu se tend à l'invective lancée par son ancienne camarade de classe. Ça doit faire mal.

- Pour répondre à ta question, très chère Viky, oui, je trouve ça particulièrement machiavélique. Pourquoi ?

L'absence de remords est criante sur le visage hilare et parfait du blondinet. Ça m'étonne qu'il ne soit pas foudroyé par un éclair jaune vif sur l'instant. D'autant que Vik crépite bel et bien de cette couleur… Seule la main plus ou moins gantée de LeX, placée devant elle, sans la toucher, la retient d'agir.

- Je m'en occupe. Encore. Lil'Hu, dehors, attrape un truc à manger dans la cuisine et sors.

Les directives de la Messagère ne laissent pas place à l'objection. Je n'en ai aucune en tête, de toute façon. Mais son "encore" achève de me convaincre que l'inactivité va vite rendre tout le monde fou. Il faut que je fasse quelque chose, et vite.

- Je prends qui ? je demande.

L'évidence désigne Perry, mais j'ai un doute quant à la disponibilité de Dwight, et passer un peu de temps seul avec mon Tuteur ne serait pas de refus. On n'a pas tellement eu l'occasion de parler comme on en avait l'habitude, depuis qu'il est mort. Ça ne fait que trois jours, mais ces trois jour ont bien suffi à mettre Vik en boule, alors… !

- Je crois qu'on n'a pas besoin de moi ici, déclare le Jardinier en se glissant à mes côtés, contournant précautionneusement Botaniste et Messagère, qui n'ont pas bougé d'un millimètre.

L'absence de réaction dans l'assemblée me confirme que Dwight est prié de rester sur place.

Seul personnage du salon à ne pas être figé, le Jumper me jette un coup d'œil désolé alors que je disparais, après m'être emparé d'un semblant de déjeuner dans la cuisine. Mes méninges fonctionnent déjà à plein régime pour démêler la situation. Je ne peux pas sciemment laisser cinq dérivés plus puissants et dangereux les uns que les autres, sans compter cette créature qui accompagne LeX partout et dont je n'ai aucune idée de l'étendue des pouvoirs, enfermés dans mon petit appartement des journées entières sans os à ronger. Ce serait une bonne idée pour un reality show, mais en ce qui me concerne, c'est trop… périlleux. Je sens que cet après-midi va être mis à profit pour me sortir de cette impasse. En espérant que ce ne sera pas pour une fois too much pour mes capacités cognitives.

 

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