Troisième Jour - Zarbi (1/7)

Fendre la foule est une expression géniale. Géniale et, comme beaucoup d'autres, légèrement absurde sur les bords. La foule n'étant pas un élément compact, j'ai quelques doutes quant au fait qu'on puisse la fendre. Tout du moins pas sans accessoires. Certes, on peut s'immiscer dans une foule, s'y enfoncer (ce qui revient en fait au même que s'y immiscer mais en plus bourrin), y jouer des coudes, s'y perdre, la contourner, l'agiter, la guider, l'encercler (si on est plusieurs), la disperser (avec beaucoup d'efforts), mais franchement, la fendre, non, je ne crois pas que ce soit possible au sens strict du terme. Mais bon, dans le fond, je ne vois pas pourquoi je débats sur ce sujet puisque moi je peux TROUER la foule. Si vous cherchez à comprendre ce que je veux dire par là, et bien j'essaye juste de vous expliquer que je marche dans un couloir du MIT, à une heure de pointe lors de laquelle il est justement bondé, et que j'ai pourtant tout autour de moi un espace parfaitement circulaire, d'un diamètre dépassant mon envergure. Comme pas mal de choses que je vous raconte, vous n'aurez qu'à me croire sur parole lorsqu'il s'agit de l'effet que ça fait. En l'occurrence, je peux vous dire qu'en moi, là toute de suite, c'est un match nul entre aise et malaise, donc, rien d'intéressant à vérifier quoi qu'il arrive.

Mon accompagnateur attitré pour la matinée, ou devrais-je dire mon accompagnatrice, est Vik. Dès qu'elle a su qu'elle serait affligée de ce rôle pour au moins une demi-journée, laissez-moi vous dire qu'elle s'est soudain trouvée dans l'une de ses plus brillantes humeurs. Et une Vik massacrante, c'est tellement charmant ! Et je dis ça sans ironie aucune. Modifier son apparence en fonction de ses aigreurs n'est pas donné à tous les dérivés, et Viky n'est justement pas n'importe quel dérivé, on l'aura compris, comme à peu près tous ceux qui séjournent à mes côtés plus d'une journée. Bien que les changements matériels chez la Botaniste par rapport à son habituelle dégaine soient délicats, ils sont bels et bien là, et je dispose qui plus est des atouts nécessaires et suffisants pour m'indiquer où regarder. Le trait de crayon autour de ses yeux est un peu plus appuyé (qui aurait cru qu'elle ne se maquillait pas manuellement), ses cheveux sont légèrement plus raides, plus courts, voire plus foncés, ses pommettes semblent ressortir un tantinet plus, et, glaçage sur le gâteau, ses Converses sont assorties (quoi que ça, je crois que c'est réel). Je l'ai dit, c'est subtil, mais aux yeux d'un Magnet comme moi, ça crie au dérivé/porc-épic. C'est-à-dire un dérivé qu'il vaut mieux ne pas approcher, même avec les meilleures intentions qu'il soit. Et moi, je dois rester collé à elle par décret messager. Yeepee !

La petite brunette, mains dans les poches de ses jeans taille basse, gratifie chaque passant d'un regard suspicieux. C'est à se demander comment elle n'attire pas l'attention. Ou presque. Elle se tient à ma droite, un pas en retrait, jamais plus, jamais moins. Elle est donc bien dans le no man's land, si je puis me permettre d'utiliser cette expression, mais je reste le centre du phénomène. Ceci dit, je n'attire pas l'attention non plus. Étrange, sans doute, mais néanmoins logique. L'idée c'est que les gens reculent parce qu'ils sont repoussés, et pas plus qu'en cours ça ne les fait réagir. Certes, avant l'intervention de LeX sur Dwight, mon magnétisme n'avait aucun impact sur une foule mouvante, les gens en plein déplacement n'ayant pas le temps de ressentir le besoin de s'éloigner puisqu'étant déjà en train de le faire. Apparemment, maintenant c'est différent. Bon, on ne va pas s'en formaliser. Côté dérivés, en revanche, vous devriez tiquer. Hier en cours ils ont plutôt eu tendance à remplir le cercle du vide, alors pourquoi rester à distance de moi dans les couloirs ? Par respect, d'après Viky. Le fait de ne pas s'approcher serait une forme de salut accordé au Magnet que je suis, quand ils n'ont pas le temps de s'arrêter pour m'en adresser un différent. Moi, je serais plutôt d'avis de dire qu'ils font comme le reste de la population, préférant ne pas se faire remarquer. L'un dans l'autre, c'est compliqué, tout ça. Je vais essayer d'arrêter de vous soûler avec mes détails inintéressants, je crois que ce sera plus sage. De toute manière, Viky me sort de mes considérations avec ce qui se veut probablement (c'est beau de rêver) être un "léger" coup de coude entre les côtes.

- Lève la tête ! Assume ! Déjà que je dois me balader avec un type qui ressemble à Dan Humphrey…

Petit coup d'œil en biais de ma part, histoire de lui faire comprendre qu'elle pourrait parler javanais que je ne comprendrais pas plus.

- Gossip Girl. La série. Lonely Boy. L'intello, éclaircit-elle comme si elle parlait à un demeuré, croisant ses bras sur sa poitrine d'un geste rendu brusque par l'exaspération.

- Je ne suis pas fan de séries, et si elles ne sont pas irréelles on ne m'a pas forcé à les visionner, donc, aucune idée d'où tu veux en venir.

J'accompagne ma déclaration d'un petit haussement de sourcils qui, j'en suis certain, ne fera qu'augmenter sa contrariété atteignant pourtant déjà des sommets. Je le regretterai un jour, mais l'agacer est étonnamment jouissif. C'est comme de faire hésiter LeX. En plus facile.

- D'un côté, que tu ne connaisses pas me rassure un peu. Le fait que, des millénaires après nous, vous regardiez toujours NOS séries et ayez un éventail ridicule de nouvelles, me dépasse carrément. Moi je dis, vive l'évolution.

Bingo.

- Tiens donc, je ne t'ai jamais connue aussi amère.

Hum. Amère n'est peut-être pas l'adjectif exact. Mais acide ne s'applique pas aux gens, si ? Et corrosif ?

- Crois-moi, tu n'as aucun élément de comparaison digne de ce nom.

Un semi-sourire effleure un instant ses lèvres alors qu'elle lève les yeux au ciel. Dès qu'ils sont un tant soit peu puissants, les dérivés sont tous les mêmes. Ou peut-être est-ce la vieillesse.

- Les morts ont tous les mêmes répliques. Ça manque d'originalité.

J'ai transigé. Être mort implique la plupart du temps à la fois une certaine puissance et un certain âge.

- Au contraire, ça prouve qu'on dit la vérité.

Touché. Saleté de répartie.

- Peut-être.

En mon for intérieur, je pense qu'elle a tout à fait raison, mais je ne la laisserai jamais gagner si ouvertement.

- Cela dit, j'ai exagéré…

Elle marque une pause rhétorique, histoire que je ne sache pas immédiatement au quel de ses propos précédents elle fait allusion.

- … ton style est quand même vachement meilleur que celui de Dan Humphrey.

Des fois, j'ai du mal à me souvenir que Viky ou LeX sont des représentantes de la gent féminine. Ce doit être à cause de ma première entrevue avec la Messagère. Enfin, il y a toujours ce type de répliques pour me le rappeler.

- Je dois prendre ça pour un compliment ? je lui demande, sourcils froncés.

- Ouais.

Elle hausse les épaules.

- Alors merci.

C'est mon tour de lever les yeux au ciel, mais moi c'est parce que je suis amusé.

- Tu l'aurais fait ? s'enquiert soudain la Botaniste après un blanc de près d'une minute.

- De quoi tu parles ?

Mes sourcils se froncent à nouveau alors que je me retourne vers elle.

- Avec Telrah.

Mais bon sang, de quoi parle-t-elle ?

- Hein ?

J'abandonne, cette onomatopée aura toujours le dessus.

- Ben oui, quoi, tu aurais cédé, si tu ne l'avais pas mise dans les vaps ?

Je secoue la tête de gauche à droite, n'arrivant pas à faire coïncider la réalité dans laquelle Viky me poserait une telle question et celle dans laquelle je vis. Je connaissais l'existence des Possibles, mais j'ignorais celle des Impossibles…

- C'est quoi, cette question ?

Déjà que je n'ai même pas fait exprès, aux dernières nouvelles, d'envoyer Telrah sucrer les fraises.

- Une question fermée. On y répond par oui ou par non.

La Botaniste me lance un sourire aussi large qu'éclatant. Pétillante. Elle est pétillante, et c'est bien pour ça qu'il est si facile d'oublier certaines choses à son propos. Et c'est sans doute même grâce à ça qu'elle est ce qu'elle est.

- Merci pour la leçon d'Anglais.

- Alors ?

Elle insiste, en plus.

- Qu'est-ce que ça peut te faire ?

La meilleure défense est l'attaque. Mais qui a bien pu sortir un truc aussi bête ?

- Je suis curieuse.

Sans blague !

- J'ai cru comprendre ça, en effet.

Je regarde droit devant moi.

- Tu ne comptes pas répondre ?

Cette simple idée semble l'offusquer, et elle lutte plusieurs fois pour refermer sa bouche qu'elle garderait bien grande ouverte sous le choc.

- Non, je n'en ai pas l'intention.

Je ne me retourne toujours pas.

- Je ne vais pas te juger.

Comme si ça allait me convaincre. Je ne sais même pas si j'ai une réponse. Elle m'a vraiment pris de court, sur ce coup.

- Ce n'est pas la question.

C'est sûrement cet aspect plus affuté qu'arbore soudain l'aura de la Botaniste, signifiant clairement qu'elle est prête à sortir ses meilleures tactiques de son sac s'il le faut pour obtenir de moi ce dont elle a envie, qui me fait dire ça, mais je crois que je n'ai pas la moindre chance de sortir gagnant de cet échange.

- Je veux dire, tu t'es fait larguer par ta copine en devenant Magnet.

"Salut, je m'appelle Vik, est je n'ai aucun tact." Bonjour, Vik…

- Merci de me le rappeler.

Cela dit, je suis surpris du peu de réactions que cette remarque provoque chez moi.

- Et ça va faire 5 mois bientôt, insiste la brunette.

- En fait ça fera 5 mois le jour de mon Choix.

Vous n'avez jamais eu l'impression que votre tête fonctionnait plus vite que vous ? C'est exactement ce qui vient de m'arriver. Je n'ai jamais été une buse en calcul mental mais là ça a été pratiquement instantané, et ce n'est pourtant pas comme si je comptais les jours depuis que Zarah a quitté l'appartement.

- C'est dans moins de deux semaines. Tu es donc seul depuis plus de 4 mois et demi ! Ça reste une longue période.

La Botaniste se défend elle aussi en Maths, à ce que je vois. En revanche, elle a toujours les pieds dans le plat.

- Tu as fini là, c'est bon ?

Je dois admettre que j'enrage. Je n'ai jamais eu un très bon contact avec les enfants, et là Viky se comporte comme une gamine.

- Nan. Je VEUX une réponse.

Si on ne marchait pas, elle aurait tapé du pied, j'en suis presque certain.

- Dommage pour toi.

- Come oooon [1] !

Elle tressaute, ce qui donne à son dernier mot une sorte de vibrato. Sans réfléchir, je me retourne finalement vers elle. Grossière erreur. Elle me supplie de son joli regard brun, rendu pour l'occasion digne de celui d'un bébé labrador.

- Non, je répète après m'être détourné.

- Non "pas de réponse", ou non "je l'aurais pas fait" ?

Comment a-t-elle pu sentir cette inflexion dans ma voix ?

- Non, je ne l'aurais pas fait.

Pourquoi suis-je soulagé de m'être rendu ? Je me sens pathétique et faible.

- Pourquoi ?

Je hais cette fille.

- Pour… diverses raisons. Je croyais que tu voulais UNE réponse… ?

- Ne joue pas sur les mots !

- C'est toi qui as commencé !

- T'es gamin, parfois.

Je fais rouler mes yeux en songeant que j'ai pensé ça d'elle quelques minutes à peine auparavant.

- Je suis probablement mille fois moins âgé que toi, c'est un peu normal, je me justifie.

- Je dirais plusieurs milliers de fois moins, au grand minimum.

Sa bonne foi me donne l'avantage.

- Tu vois !

Ses mains retrouvent leur place dans ses poches de jeans.

- Tu détournes la conversation. Alors, pourquoi ?

Les morts ont l'air de tisser leurs pensées de façon bien plus solide que la grande majorité des vivants. Ils ne perdent jamais le fil de ce qu'ils sont en train de faire, peu importe qu'ils soient distraits à un moment ou un autre. Ou alors est-ce simplement elle ?

- Parce qu'il s'avère que Telrah est l'ex de Dwight, et qu'il est lui-même mon Tuteur et meilleur ami. C'est une question de code masculin. Tu ne connais pas ça ?

- On a plus ou moins le même chez les filles. Mais je trouve ça nulle, comme excuse. Ça n'annule en rien tes 4 mois et des poussières d'abstinence et de solitude. Genre, il paraît que tu as pété un sacré câble, un soir, à cause de ça…

Powteen Girl bonsoir. Qui est allé lui raconter ça ?

- Même si j'avais une cicatrice des trois flèches que je me suis prises, je ne te la montrerais pas.

Ce que j'ai horreur qu'on sache tout de moi, en plus !

- M'en fiche, j'ai la tortue en preuve irréfutable.

C'est quoi, son délire ?

- Certaines personnes ont des tortues de compagnie pour des raisons totalement différentes que parce qu'elles sont isolées de force de leur congénères humains !

D'abord !

- Mais aucune n'est un Magnet.

À mon avis, Vik n'exaspère ceux qui l'entourent que pour soigner sa mauvaise humeur. J'aimerais bien la voir sans qu'il n'y ait rien pour l'embêter. Juste une fois.

- Qu'est-ce que tu en sais ?

- La tortue est connue pour être le meilleur animal de compagnie des Magnets qui supportent mal l'éloignement brusque des humains.

Vive les théories fumeuses. Mon Tuteur est peut-être le dérivé qui en sait le moins sur l'univers dans lequel il vit (sans compter les dérivés qui ne savent même pas qu'ils en sont), mais il y a des choses qui sont tout de même difficiles à avaler.

- Ah oui ? je demande malgré tout.

- Nan. Mais ça m'est égal, j'ai le témoignage de Dwight.

On note son aisance à mentir, et son apparente absence de remord.

- Il niera si je le lui demande.

Comment en est-on venu à se disputer les faveurs de Dwight ? Honnêtement ?

- Oui mais pas sous la torture.

- Tu me dégoûtes.

J'affiche la grimace d'usage lorsqu'on dit ce genre de choses.

- Alors, raison valable pour laquelle tu aurais rejeté Telrah si l'occasion s'était présentée ?

Je suis surpris qu'elle l'appelle par son prénom et non par une quelconque imprécation.

- Je l'avais rencontrée quelques heures plus tôt. Je ne suis pas un animal.

Ça lui va, comme ça ?

- Bon, en admettant que tes raisons soient ACCEPTABLES, comment tu aurais fait ?

La façon dont elle accentue "acceptables" laisse penser qu'elle n'y croit pas le moins du monde.

- Comment j'aurais fait pour quoi ?

- Eh bien pour résister, banane !

- Pitié !

Pourquoi ces couloirs sont-ils si longs ? Et pourquoi ma salle de TP est-elle si loin ?

- C'est une Incarnation de la Luxure, elle est faite pour ça.

De toute évidence, elle n'a pas saisi la notion de "pitié".

- Sur moi, elle n'a qu'un impact strictement physique, et je suis doté d'un assez bon self-control, au cas où tu ne serais pas au courant, je rétorque dans un soupir.

- Vrai, je ne peux pas t'enlever ça. Ça doit être ton seul trait de caractère.

Ce détail la fait sourire.

- Merci beaucoup pour ce commentaire hyper constructif.

Cela dit, je n'ai pas de contre-argument.

- Tu l'as cherché.

Elle replace une de ses courtes mèches derrière son oreille, d'où celle-ci s'échappe d'ailleurs de suite.

- Très bien, à mon tour d'être curieux, dans ce cas…

- Envoie. Mais j'ai une résistance à l'insistance plus grande que la tienne, sache-le.

Ce ne sera pas difficile

- Je suis moins indiscret que toi, ne t'inquiète pas.

Je ne pensais pas qu'elle accepterait l'interrogatoire avec tant de facilité, à dire vrai. Avouez qu'il y a de quoi être déconcerté quand on sait jusqu'à quelle extrémités j'en ai été rendu la dernière fois que j'ai eu l'intention de lui poser quelques questions…

- J'attends.

- Cette soirée filles, elle était comment ?

Non, parce qu'en y réfléchissant bien, c'est là-bas que tout s'est passé. Nous, on a fait une soirée mecs À CAUSE de leur soirée filles. Ciel, que ces appellations sont stupides !

- T'appelles ça ne pas être indiscret ?! s'indigne la Botaniste.

- Je ne t'ai pas posé de question sur ta vie sexuelle, que je sache.

Et toc.

- Hum, rusé. Maintenant si je refuse de répondre tu vas t'imaginer que je suis lesbienne. J'ai rien contre les lesbiennes, mais j'en suis pas une pour autant.

C'est quoi, cette logique abracadabrantesque ?

- Tu sais que tu as un esprit très retord ? je lui fais remarquer.

- Ça s'aggrave avec le temps. Tu verras, ça t'arrivera aussi.

Elle n'a pas l'air vexée. C'est déjà ça.

- J'en doute.

Ou plutôt je l'espère de toutes mes forces.

- C'était sympa, on a parlé, comme dans toutes les soirées filles. Rien de spécial ne s'est passé. LeX n'a étripé personne, je n'ai liquidé personne non plus, et June n'a pas (trop) fait sa relou.

Elle a l'air déçue elle-même.

- Et Telrah ?

Je joue les vicieux, là.

- Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle est charmante, mais disons que je n'ai aucune charge à retenir contre elle, concède la brunette à contrecœur.

- Belle progression, en l'espace d'un nuit. Cela aurait-il à voir avec ta petite entrevue très privée avec LeX hier après-midi?

- Avec H l'oreille collée à la porte, ouais, c'était super privé.

Malgré moi, j'imagine très bien ce qu'elle veut dire.

- Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi LeX t'a fait la morale à propos de ton petit numéro face à Telrah alors qu'elle n'est pas techniquement responsable de toi. Ou alors elle t'a parlé d'autre chose…

- C'était bien à cause de ma réaction. Et si elle n'est pas responsable de moi, elle a parfaitement le droit de me conseiller en tant qu'AMIE.

Elle appuie nettement le mot.

- Et puis tout ce qui te concerne de près ou de loin, ça reste son territoire d'expertise. Il n'y a pas de Messagers de l'apolarité, ce serait crétin.

- Mouais.

Je suis moyennement convaincu, quand même.

- Rhô, ferme-la et entre là-dedans, l'ingénul.

Je ne peux retenir un éclat de rire à l'apostrophe.

J'évite souplement la tape derrière la tête que m'envoie la Botaniste et pénètre, comme elle me l'a intimé, dans ma salle de TP, que nous avons finalement atteinte. Les matinées de Travaux Pratiques sont peu fréquentes car les classes sont composées d'un grand nombre d'élèves et que ce genre d'activité ne se pratique qu'en petits groupes. Un roulement est mis en place au début de chaque année, en fonction des groupes formés selon l'ordre alphabétique. Enfin, vous devez certainement connaître le principe. L'idée, c'est surtout que l'effectif réduit implique que notre présence soit pointée, ce qu'elle n'est pas lors des cours en amphithéâtre, où n'importe qui peut rentrer plus ou moins n'importe quand. Or, ce pointage implique à son tour que Vik se fasse discrète et je devrais même dire invisible, ce qui n'aurait pas été strictement nécessaire dans d'autres circonstances. La Botaniste s'estompe peu à peu à la vue. Je ne suis pas surpris de constater qu'elle m'est toujours visible, quoi que légèrement translucide. C'est donc sous cette forme qu'elle me serait apparue sur la plage… À une telle distance, pas étonnant que je n'ai pas perçu la nuance. Mon haussement de sourcils lui échappe, puisqu'elle est occupée à parfaire son camouflage, et je m'applique alors à étaler mes affaires sur la paillasse qui m'attend. Vous ai-je précisé que je n'ai jamais eu de partenaire d'expérience ? Depuis tout petit en plus. Sans doute l'intervention de mes parents, en y repensant. Et dire que ça ne m'a jamais étonné… Chaque aspect de mon passé est-il à remettre en question ?



[1] Come ooon = Alleeeeeeez

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