Tout sourire

La tête plongée dans mon oreiller, j'ai partagé ma nuit entre y hurler et y pleurer. Je suis épuisé.

Lorsque j'entends la porte de ma chambre grincer, je ne me retourne pas. Sans doute vient-il déposer ou récupérer un plateau repas. Ça dépend de la dernière action qu'il a effectuée, et je ne m'en souviens honnêtement pas. Comme les autres fois, il ne dit rien. Je lui en suis reconnaissant. Ce n'est pas après lui que j'en ai, et je n'ai donc pas envie qu'il fasse les frais de mon tourment. Je sais au fond de moi que c'est dur pour lui de me voir dans cet état, et j'aimerais pouvoir lui épargner ce spectacle, mais je ne suis pas assez fort pour ça.

Le fait qu'il fasse plus d'un pas dans la pièce m'interpelle. Je fronce les sourcils, puis entends un cliquètement, répété une dizaine de fois peut-être. Après ça, ce sont des claquements qui s'enchaînent, à une fréquence plus rapide que le bruit précédent.

Je dégage ma tête pour distinguer l'origine du dérangement, et découvre un dentier mécanique qui s'agite sur ma table de chevet. Mes yeux passent alors à mon visiteur, accroupi juste derrière l'objet. Je ne pense pas que demander explicitement ce que c'est que ce truc est nécessaire. Je dévisage celui qui l'a amené avec un telle incompréhension qu'il va forcément saisir le fond de ma pensée. Il ouvre plusieurs fois la bouche pour s'expliquer, sans qu'aucun son n'en sorte d'abord, avant de s'arrêter sur la justification qui est sans doute à la fois la plus et la moins appropriée :

— J'ai pensé que ça te redonnerait le sourire.

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