La Fin des Temps

Lorsque l'Été est mort, personne n'a rien remarqué. On a juste pensé que l'Automne était en avance, sans se douter qu'il venait payer ses respects à son défunt frère. Les enfants se sont réjouis de ses quantités étonnamment généreuses de feuilles séchées, tandis que les adultes ont admiré ses brumes particulièrement épaisses, cette année. Un bel automne, a-t-on dit. Comment se rendre compte qu'il s'agissait là du témoignage de son immense tristesse ?

L'Hiver s'est efforcé d'arriver à l'heure, mais dans son chagrin, il s'est montré bien plus froid qu'à son habitude. On l'a alors dit rude, difficile, sans imaginer que ça ne faisait que commencer. On s'est consolé avec un Noël enneigé, en complète inconscience du désespoir de la saison en cours.

En prenant le relais, le Printemps avait la ferme intention de faire de son mieux pour réchauffer la Terre, accélérer la floraison, précipiter la fructification, mais ses giboulées ont trahi son deuil. Il ne pouvait pas remplacer le quadruplé manquant, rétablir l'équilibre brisé de leur fratrie.

C'est seulement lorsque, le moment venu, l'Été ne s'est pas à nouveau manifesté, qu'on a commencé à s'inquiéter. Il aura fallu près d'un an pour que qui que ce soit s'aperçoive de ce qui avait été perdu, sans possibilité d'être retrouvé. Bien que pas rancuniers, Automne, Hiver, et Printemps ont vaillamment tenté de poursuivre leur ouvrage, mais au bout du compte, rien n'y a fait. Sans l'Été, comme il en aurait été avec n'importe lequel d'entre eux, ni le temps ni la vie ne pouvaient continuer, et bientôt, tout s'est arrêté.

Commentaires