1x07 - Mauvais esprit (14/15) - Ballet familial

Après un cas comme celui qu'il a reçu ce matin, Sam a besoin de remettre son compteur émotionnel à zéro. Et à ce jour, il ne connaît rien de mieux pour ça qu'un peu de temps en famille.

Il se gare devant la maison de son frère et laisse son badge et son arme dans la boîte à gants, en sécurité, avant de descendre du véhicule, suivi de près par son molosse. Il n'a pas besoin de sonner ou frapper pour entrer, disposant d'un accès à la demeure familiale sur son RFSD depuis bien longtemps. Il annonce tout de même son arrivée en franchissant le seuil, autant par courtoisie que pour s'assurer de trouver du monde. Alors qu'il est en train de retirer sa veste et l'accrocher au porte-manteau dans le hall, il repère justement Aleksander sur sa gauche, dans la cuisine, comme presque tous les soirs à cette heure-ci, à se demander ce qu'il va faire pour le dîner.

— Hey, Sam ! Qu'est-ce qui nous vaut le plaisir ? l'accueille son aîné, un sourire fendant sa barbe brune à cette bonne surprise.

— J'avais besoin de voir vos stupides tronches, s'explique succinctement l'inspecteur en lui rendant son expression, retroussant les manches de sa chemise avant de venir s'accouder à la table au centre de la pièce.

— Il s'est passé quelque chose ? devine tout de suite l'ingénieur, ses sourcils se fronçant légèrement sous le coup de l'appréhension.

— Nouvelle affaire. Moche, Sam persiste à rester vague.

— Désolé de l'entendre, s'en contente évidemment le plus âgé, sachant très bien ce que l'absence de détails peut signifier.

— Tu n'as pas idée. Où sont ma nièce et mes neveux ? s'exclame ensuite l'oncle, écartant les bras devant l'absence de la compagnie qu'il est venu chercher ici.

— Hey, Oncle Sam ! arrive opportunément Caesar en bas des escaliers et se joignant aux deux frères adultes dans la cuisine.

— Hey, Caes ! Quoi de neuf ? s'enquiert l'interpellé, comme la plupart des gens tentant d'ébouriffer l'adolescent, mais avec succès en ce qui le concerne, aucune différence de taille ne le séparant de sa cible, en plus du fait qu'il n'oserait jamais lutter physiquement contre lui.

— C'est vrai que tu ne savais pas quoi faire, en entrant à la fac ? le jeune homme décide de se défendre verbalement à la place.

— Er… Je te demanderais bien qui t'a raconté ça, mais je me doute bien que j'ai été trahi par mon propre frère, Sam est pris de court à cette question, et retourne vers Aleksander un regard exagérément blessé.

— Il se pose des questions sur son avenir. Je lui ai simplement dit qu'il n'était pas le seul à passer par là, le père justifie sa révélation.

— Donc, c'est vrai ? insiste Caesar, ne mettant pas la parole de son géniteur en doute mais ayant toujours autant de mal à s'imaginer son oncle en position de faiblesse.

— Oui, c'est vrai. Ton père est un trop mauvais menteur pour avoir inventé un truc pareil, l'inspecteur confirme les dires de son frère, bien que sans oublier de lui lancer un semblant de critique tout de même, par esprit de fraternité.

— Et comment tu t'es décidé, finalement ? Caesar poursuit son interrogatoire, intéressé par le sujet.

— Il existe à peu près une tonne de tests qu'on peut passer à la fac pour essayer de cerner ce qui nous correspondrait le mieux, selon notre personnalité et nos capacités, et il y a toute une équipe de conseillers d'orientations pour compléter tout ça, mais à la fin, ce qui m'a décidé, c'était un recruteur. Il a eu un discours qui a résonné pour moi, alors j'ai passé l'examen, et après tout s'est enchaîné, expose l'oncle, avec autant de précisions qu'il en est capable, son parcours ayant plus relevé du hasard que d'une réelle réflexion, aussi bien assorti à sa profession il puisse être aujourd'hui.

— Oh, Caesar reste à la fois impressionné et insatisfait par ce récit.

— Arrête de te biler ! T'as pas besoin d'un métier, tu es déjà un héros local ! l'encourage Sam, le prenant par l'épaule, sous le regard amusé de son père, qui a parfois l'impression d'avoir quatre enfants au lieu de trois, lorsque son cadet est là.

— Ha ha, l'adolescent feint le rire, pas encore prêt à sincèrement plaisanter sur le sujet de la prise d'otages.

— Woof ! retentit soudain en provenance de l'entrée.

L'aboiement de Sing Sing fait sursauter tout le monde dans la pièce et son maître réagit au quart de tour en se précipitant vers le danger signalé par l'animal… seulement pour tomber nez à nez avec sa nièce, qui rentre de sa balade. La petite blonde est figée dos à la porte, les mains légèrement en l'air, et soutient le regard du Rottweiler avec de grands yeux arrondis. Il n'a aboyé qu'une fois mais la toise tout de même d'un drôle d'air.

— Sing ! Assis. Tu reconnais même plus la famille, maintenant ? Sam admoneste son animal, qui obtempère et lève vers lui une tête toute penaude.

— Je suis désolée ! Je sais pas ce que j'ai fait pour l'énerver ! s'excuse Mae, qui n'avait absolument jamais eu à s'inquiéter de la présence de la bête avant aujourd'hui.

Il est venu la réveiller dans son lit des milliers de fois, et il a parfois même dormi avec elle, en vacances. Elle a joué au tir à la corde avec lui quand il était chiot et jusqu'à ce qu'il atteigne sa taille adulte, et n'a jamais eu peur de lui retirer un jouet ou au contraire quelque chose qu'il ne devait pas avoir. Elle lui fait tellement confiance qu'elle pense que c'est elle qui a fait quelque chose qu'il ne fallait pas, pour qu'il réagisse de cette façon à sa présence.

— Tu n'as rien fait du tout. C'est un chien. Ça peut être n'importe quoi. Ne t'inquiète pas pour lui, ça lui passera. Ça va ? la rassure son oncle, tendant la main vers elle, qui n'a toujours pas bougé d'où elle est.

— Oui, merci. Il a juste aboyé, j'ai été surprise, elle répond, baissant les mains et s'accroupissant en face du chien pour venir lui grattouiller le poitrail comme elle sait qu'il apprécie.

Sing Sing ferme les yeux et vient lécher la joue de sa cousine, toute animosité dissipée. Son maître reste debout à côté d'eux, au cas où, mais laisse faire, content de constater que les choses sont déjà revenues à la normale.

— T'étais où ? s'enquiert alors Caesar, qui a suivi la scène depuis le seuil de la cuisine.

— J'ai retracé tout mon chemin d'hier, dans l'espoir de retrouver ma montre, mais c'était une perte de temps, lui explique sa sœur, se redressant de caresser Sing et s'essuyant le côté du visage d'un revers de manche.

— Dommage, commente son frère, déçu à la fois qu'elle n'ait pas réussi à retrouver son accessoire et qu'elle n'ait pas été occupée à une activité qui justifie l'étrange comportement du chien policier.

— C'est bien, tout le monde est là. Quelqu'un m'aide ? propose Aleksander, passant à son tour la tête par l'encadrement de la porte de la cuisine.

— Je vais chercher Markus ! annonce Mae avec précipitation, s'élançant immédiatement dans les escaliers devant elle.

— Je vais mettre la table, se résigne ensuite Caesar à la tâche qu'a justement voulu esquiver sa petite sœur, prenant pour sa part la direction de la salle à manger.

— C'est comme une armée d'esclaves ! commente l'oncle, toujours épaté par la vitesse à laquelle les enfants obéissent.

— Pourquoi je veux des neveux, déjà ? demande alors Alek de façon rhétorique, secouant la tête à la mentalité de son petit frère.

Pendant que l'inspecteur éclate de rire, Mae a récupéré Mark dans sa chambre. Bien que sa présence ne soit pas indispensable aux préparatifs du dîner, ce n'est après tout pas tous les soirs que Sam se joint à eux, alors autant qu'il participe.

Tandis que le frère et la sœur traversent le couloir dans le sens inverse de celui menant des escaliers à la chambre de l'aîné, ils passent devant la chambre de la benjamine. La petite blonde y jette un coup d'œil machinal, à travers sa porte ouverte, et se fige.

Sur son bureau, bien en évidence, ressortant clairement de son violet sombre sur la teinte plus claire de la surface intelligente inactive, repose son bracelet montre. Sauf qu'il ne peut pas avoir été là toute la journée, sinon elle n'aurait pas pu le rater en début d'après-midi, lorsqu'elle a mis cette pièce pratiquement à sac.

L'adolescente avance lentement jusqu'au meuble et soulève l'objet avec précaution, pour l'examiner. Les légères marques d'usure confirment qu'il s'agit bel et bien du sien. Rien de tout ceci ne fait sens.

— Hey ! Est-ce que c'est toi qui as retrouvé ma montre ? elle demande à Markus, qui l'a regardée s'écarter de lui d'un air intrigué.

— Pardon ? il répond, ne suivant pas son cheminement d'idées.

— Est-ce que tu as retrouvé ma montre, pendant que j'étais pas là, et l'as mise sur mon bureau ? elle réitère sa question, se retournant vers lui, l'accessoire toujours dans la main.

— Je n'ai pratiquement pas quitté la mienne, de chambre, après ton départ. Et puis, si j'avais trouvé ta montre, je t'aurais envoyé un message pour te dire de rentrer, l'étudiant se défend de ce dont elle l'accuse, quand bien même ce n'aurait pas été une faute de sa part.

— Mais comment elle est arrivée là, alors ? la petite blonde continue à l'interroger, désignant de sa main libre le meuble derrière elle.

— C'est TA montre, Mae. Comment est-ce que tu veux que je le sache ? il essaye de lui faire voir à quel point il ne peut pas l'aider face à son problème.

Qui d'ailleurs n'en est plus un, puisqu'elle a retrouvé ce qu'elle cherchait. Non ?

— Laisse tomber, je suis juste en train de perdre la boule, elle s'excuse indirectement de ses questions, jetant le bracelet sur son lit, puis soupirant fortement en croisant les bras, boudeuse.

— Mais non… T'as toujours été comme ça, voyons, l'aîné saute alors sur l'occasion de taquiner sa petite sœur, jugeant que ça pourrait aussi la dérider.

Piquée, elle retourne vers lui un regard plissé, avant de se lancer à sa poursuite. Il ne lui échappe qu'en filant dans les escaliers, hilare. Il sait qu'une fois arrivé dans la cuisine, le regard de leur père devrait lui fournir un sanctuaire à sa furie. Il ne les a jamais punis pour courir dans la maison, mais maintenant qu'ils sont plus âgés, il s'attend à ce qu'ils sachent pourquoi ils ne devraient pas le faire. Aussi, il y a peu de chances que Mae ose avouer pourquoi elle pourchasse son aîné, puisque ça impliquerait d'expliquer qu'elle a retourné la maison et fait le tour de la ville en quête de quelque chose qui était en fait sur son bureau depuis le début. Mais même si elle n'a pas l'occasion d'exercer sa vengeance, au moins, elle aura retrouvé le sourire. Tout le monde gagne.

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