1x05 - Maîtrise des dégâts (2/17) - À côté de la plaque

À quelques rues de là, il semblerait que Miss Jones manque bien plus à ses collègues qu'ils ne lui manquent à elle. En son absence, personne ne se charge en effet des petites choses qu'elle a pris sur elle de gérer à son arrivée comme, notamment, la distribution du café. Et l'impact de l'absence de ce service est bien plus important qu'on aurait pu le croire. Tous les inspecteurs, qui plus est toujours pour la plupart dans des impasses dans leurs affaires, ont remarqué que quelque chose n'allait pas, et se demandent comment ils fonctionnaient avant l'arrivée de la jeune femme, qui a été une pure addition et non un remplacement.

- Ce commissariat va s'écrouler simplement parce que la fille qui distribue le café est en vacances, s'exclame Patrick, grimaçant au breuvage qu'il a tenté de se faire lui-même, égalant l'habitude d'Iz avec un succès mitigé.

- En vacances ? relève Sam, assis en face de lui.

L'inspecteur aux yeux bleus hausse un sourcil, atterré d'à quel point son coéquipier peut parfois être aveugle, pour un si bon enquêteur.

- Je préfère souhaiter qu'elle soit en congé plutôt que malade, mais le résultat est le même : elle est pas là, s'explique Patrick, s'enfonçant sans le savoir dans son erreur.

- Peut-être qu'elle avait autre chose de plus important à faire dans l'exercice de ses fonctions que de s'assurer que nous ayons tous le bon apport en caféine, ne peut se retenir de lui proposer Quanto, tout en s'efforçant de rester subtil.

- Comme quoi ? Randers n'y voit que du feu.

- Comme les choses qu'elle fait le reste de la journée lorsqu'elle ne distribue pas le café. Puisque ça lui prend quand même pas huit heures, Sam essaye de le pousser à raisonner.

Pat plisse les yeux, commençant à se douter que son coéquipier essaye de lui faire comprendre quelque chose. Ce qui est inhabituel en soi, puisqu'ils sont l'un comme l'autre très directs. D'autant plus l'un envers l'autre.

Alors qu'il reste figé dans une expression de réflexion intense, Sam retourne à ce qu'il était en train de faire avant que son partenaire ne déplore l'absence de Jones.

- Tu l'as invitée, au moins ? demande enfin Patrick, pris d'une illumination soudaine.

- Huh ? son équipier ne voit pas où il veut en venir, déjà reconcentré sur l'historique d'emploi de la sœur de Joseph Pierce.

- Liz, précise l'autre.

Sam lève les yeux au ciel en comprenant ce dont est en train de parler Pat. Il est également agacé qu'il utilise ce surnom pour la jeune femme, bien qu'il ne soit pas injustifié. Il était là quand ils ont reçu son dossier. Il l'a vu le lire en même temps que lui. Comment est-ce qu'il peut en avoir tout oublié à ce point ? Elizabeth Isabel, surnommée Iz. C'est aussi simple qu'évident.

- Tu veux vraiment parler de ça ? Maintenant ? s'offusque l'oncle.

- Puisqu'on parlait d'elle… se défend l'autre.

Il n'est également pas très inspiré par les heures de film qui l'attendent, Sam et lui s'échangeant les tâches de manière assez régulière, afin d'éviter une baisse d'attention de leur part.

- On a une affaire à résoudre, tente encore de se défiler le maître-chien.

- Qui n'a pas bougé d'un pouce depuis plus de deux semaines, lui rétorque Patrick, avec un geste d'ouverture des mains qui signifie clairement qu'ils ne sont plus à ça près, malgré tout le respect qu'il doit à leur victime.

- Exactement, Sam le prend dans l'autre sens.

- Mais tu l'as fait, pas vrai ? insiste Patrick, téméraire.

- Rhâ ! Oui. Oui, on est allé boire quelques cafés ensemble. Content ? cède Sam à l'inquisition de son coéquipier, se retenant tout juste de taper sur sa table dans son exaspération.

Suite au défi lancé par la jolie brune polyvalente, habilement manipulé à son avantage par l'inspecteur, ils étaient en effet allés se promener deux ou trois fois, une tasse à la main, aux alentours du commissariat. La conversation avait en grande partie tourné autour des affaires qu'il avait soumis à son examen, mais pas seulement. Rien qui ne vaille d'en discuter avec son coéquipier, cependant.

- "Quelques" ? Comme dans "plusieurs" ? relève ce dernier, abasourdi.

Sam reste sans voix pendant quelques secondes à la façon dont Patrick peut parfois s'accrocher à des détails aussi insignifiants, et d'autres fois passer à côté de ce qui lui semble à lui être un néon géant. Mais c'est sans doute l'une des raisons pour lesquelles leur partenariat est aussi fructueux, donc il ne peut pas décemment s'en plaindre.

- Oui, il confirme succinctement, refusant d'élaborer.

- Et ? persiste Randers.

- Et ? C'est une jolie fille intelligente. Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? s'agace l'interrogé, détestant discuter de ces choses-là avec qui que ce soit, et d'autant plus avec son partenaire.

- Est-ce qu'elle a un fiancé dont j'ai pas connaissance ? lui retourne l'autre, avec une grimace d'incompréhension.

En se rendant compte que son coéquipier fait référence à sa réputation de tombeur invétéré, l'expression de Sam passe d'irritée à atterrée. Au moins, Patrick s'est efforcé de rester subtil, pour une fois.

- Je suis parfaitement capable de sortir plusieurs fois avec une femme. Merci du vote de confiance, réplique l'attaqué.

Son comportement envers la gent féminine ne lui fait pas du tout honte. Ce n'est pas comme s'il mentait sur ses intentions ; il n'éprouve simplement aucune envie de se poser. Il admire grandement les concepts de mariage, monogamie, et fidélité, mais il ne s'y reconnaît pas, c'est tout. Il les a vus à l'œuvre avec ses parents, puis Jude et Alek, et serait donc de mauvaise foi de nier que ça ne peut pas fonctionner, mais au-delà de ça, ce n'est pas pour lui. Non pas que ça ait quelque importance ici, puisqu'il fréquente Iz pour des raisons tout à fait différentes.

- Tant mieux ! Je suis super content ! Tu progresses, s'exclame immédiatement Patrick, en voyant le regard sombre de l'oncle.

Il lève même les mains au niveau de sa tête, en signe de reddition.

- Rappelle-moi, ça fait combien de temps que tu es dans une relation sérieuse avec ta main droite ? lui lance alors son collègue, n'appréciant pas la condescendance dans sa remarque.

- Classe, Quanto. Super classe, lui renvoie l'autre, ne jugeant pas qu'un tel extrême ait été nécessaire.

Avec un haussement de sourcils provocateur, Sam considère la discussion close et retourne à son ouvrage. Pat reste perplexe encore un court instant avant de faire de même. Très franchement, il ne s'attendait pas à autant toucher une corde sensible en évoquant le sujet d'Elizabeth. Il n'aurait pas pensé avoir à marcher sur des œufs en parlant de qui que ce soit qui ne porterait pas le même nom que Sam, en fait. Et cette idée ne lui présage rien qui vaille.

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