1x04 - Haut les mains (7/15) - Dernier moment d'insouciance
Ignorant tout de ce qui est en train de se dérouler dans leur ancien lycée, et celui du frère et de la sœur de l'un d'entre eux, Markus et Robert quittent leur cours de la matinée comme si de rien n'était. Rangeant leurs tablettes et stylets dans leurs sacs respectifs, ils s'extirpent de la rangée dans laquelle ils avaient pris place, et empruntent la porte de sortie de l'amphithéâtre avec le reste des étudiants en médecine de leur demi-promotion.
— Mec, elle te veut, décrète Rob, catégorique, poursuivant une conversation entamée un peu avant, lors de laquelle Mark lui a révélé les intentions formulées par Jena le matin-même.
Pour sa défense, à la base, il ne faisait que répondre à la question de son pote sur l'état de la jeune femme. Il ne voulait pas du tout dévier dans cette direction. Il aurait cependant peut-être pu se douter que Robert verrait forcément plus qu'un peu d'humour et d'ironie dans la proposition de Jena.
— Ne sois pas gras, le prie gentiment l'aîné Quanto.
— Aucune fille qui n'est pas de ta famille n'accepterait de dormir dans le même lit que toi sans arrière-pensée, insiste l'autre, pensant sans doute qu'une déclaration plus longue aura plus de poids, même sans réel apport d'argument.
— Je pense que c'est une généralité très exagérée, le tempère Markus.
— On peut dire ce qu'on veut, les mecs et les nanas ne sont pas faits pour être juste amis, poursuit Robert, levant les bras comme s'il déclamait une vérité universelle.
— C'est d'un préjugé ! Mark continue à objecter, bien qu'amusé.
Robert se lasse très vite de la complexité et des complications. Il reconnaît que tout n'est pas toujours tout noir ou tout blanc, mais préfère éviter les situations en nuances de gris, tout simplement. D'où sa vision parfois infantile de ce qui se passe autour de lui. La plupart du temps, c'est rafraîchissant. Parfois, il faut un peu le rappeler à la réalité.
— Très bien, les mecs et les nanas hétéros. Ou même carrément tous les gens qui sont compatibles par rapport à leur orientation, peu importe. Mais même en abandonnant les généralités, je me trompe, ou elle est magnifique, cette fille ? Rob s'efforce de construire un peu plus son argumentaire.
— Tu l'as déjà vue. On était au lycée ensemble, lui rappelle Markus.
D'une part, il n'accepte toujours pas l'idée que ni lui ni elle ne se souvienne de l'autre. D'autre part, il veut éviter de répondre à la question. C'est une chose de complimenter le physique d'une inconnue dans la rue, une autre de faire ce genre de commentaire sur une amie.
— Pour moins d'un an. Il y en a sept, se défend Rob.
Pour lui, c'est que son pote ait reconnu la jeune femme, qui est surprenant. Qui se souvient aussi bien des visages ? Même après des années de développement aussi cruciales que celles qui se trouvent encore entre 16 et 23 ans ? Pire, d'après son récit, Markus a carrément reconnu Jena de dos !
Pour sa part, ce dernier soupire, ne pouvant pas esquiver la question précédente de son ami plus longtemps. Mais il n'estime de toute façon pas vraiment avoir besoin de répondre explicitement, puisque l'apparence de Jena a toujours été sous-entendue dans leurs conversations à son sujet, depuis sa réapparition en ville.
— D'accord. En admettant que tu aies raison, je rappelle que mon frère est dans la chambre adjacente, il passe à des objections différentes à la théorie de son camarade.
— On peut faire ces choses-là en silence, tu sais, lui fait remarquer Rob, lui tirant une grimace dégoûtée.
— Je sais ! Merci pour cette image ! Mais j'ai pas envie de faire ça en silence, il laisse échappe dans son outrage.
— Oho ! C'est qui, le vicieux, maintenant ? relève immédiatement Robert, avec un mouvement de sourcils allusif.
— Ce n'est pas ce que je veux dire ! Elle vit chez moi parce que ses parents l'ont mise à la porte. Elle est en ville parce que ça sœur est dans le coma. Elle a autre chose à penser, se rattrape l'étudiant du mieux qu'il peut.
Il n'invente rien. C'est un peu ce qu'il voulait dire, d'une certaine façon. Si et seulement s'il venait à inviter la belle brune à sortir, il ne voudrait pas qu'il y ait de malaise. Il voudrait que ça se fasse naturellement, qu'il n'y ait pas de malentendu. Dans la situation actuelle, il ne se sentirait pas réglo vis-à-vis d'elle.
— Et toi ? demande Rob, un rien plus sérieux qu'auparavant, sentant bien que Markus rumine.
— Il faut être deux pour ces choses-là, il ne se mouille pas.
— Donc… ce que tu es en train de dire, c'est que tu veux faire ça bien ? comprend Robert malgré tout, connaissant bien son pote.
— Je n'ai peut-être pas envie du tout. J'en sais rien. Je lui ai filé un coup de main en honneur du passé, et parce qu'elle était dans une mauvaise situation, mais on ne peut pas dire que je la connaisse vraiment, il raisonne tout haut.
Il n'a pas tort. Si on devait inviter toutes les filles qu'on trouve un tant soit peu jolies et sympas, on n'aurait jamais fini.
— Tu sais ce que tu es ? lui propose Rob après une courte pause.
À son ton, Markus sent bien qu'il va dire une bêtise, et se prépare mentalement.
— S'il te plaît, dis-moi que j'ai monté en grade depuis la honte de la gent masculine, il raille, cherchant faussement la validation de son ami.
— Tu es un incorrigible romantique, lui répond l'autre, récoltant à peine l'ombre d'un éclat de rire.
— Merci du diagnostic, Docteur Gleamer, lui accorde tout de même son faux patient, conscient que, malgré les circonstances de son établissement, le constat n'est pas complètement erroné.
Ayant enfin quitté le bâtiment après une succession d'escaliers, les deux compagnons abandonnent le sujet de leur vie sociale pour celui de leur sustentation, et prennent le chemin du restaurant universitaire.
Commentaires
Enregistrer un commentaire
Alors ? Ça vous a plu ?