1x01 - Capitaine Nemo (8/17) - Partenaires Particuliers
Sur North Larrabee Street, au 1160, se trouve un grand bâtiment de couleur claire, explicitement identifié comme appartenant au département de police de la ville par de grandes lettres métalliques sur un mur isolé. Aussi esthétique soit-il, le panneau est tout de même un rien redondant, les voitures de polices alignées sur le parking adjacent, ainsi que la ribambelle d'officiers en uniformes qui entrent et sortent à une fréquence relativement élevée, constituant une indication plutôt claire de la nature de la bâtisse.
Sam vient ranger son véhicule au fond de l'espace de garage à côté du bâtiment, les voitures de service ayant la priorité sur les places proches de la sortie, pour des raisons évidentes. Après avoir coupé le contact, écartant la gueule de Sing Sing sans ménagement sur son passage, l'oncle ouvre la boîte à gants afin d'y récupérer sa plaque. Avec un léger soupir de soulagement, il la passe à sa ceinture justement usée à cet endroit précis, puis sort de son véhicule, son fidèle canidé sur les talons.
Il claque la portière derrière le chien, puis prend le temps de considérer les incessantes allées et venues du commissariat auquel il est affecté depuis sa sortie de l'Académie, soit un peu avant la naissance de Mae. Un sourire étire ses lèvres avant qu'il n'indique d'un geste discret à son partenaire à quatre pattes qu'il est enfin l'heure d'y aller.
L'homme pénètre dans son lieu de travail comme s'il ne l'avait jamais quitté, saluant la secrétaire de l'entrée d'un bref sourire et d'un signe de la main, et accordant un mouvement du menton à certains officiers, pour s'enquérir sommairement de leur état.
Au rez-de-chaussée se trouvent principalement les cellules de garde à vue, les salles d'interrogatoire, et les vestiaires. C'est à l'étage que les bureaux des inspecteurs sont installés, ainsi que les salles de conférence, entre autres espaces plus ou moins communs. Le sous-sol accueille la morgue, les pièces à conviction avant transit vers un endroit plus sécurisé ou un laboratoire, le gymnase, et enfin le stand de tir et l'armurerie qui l'accompagne.
Sam gravit les escaliers, Sing Sing lui collant toujours aux basques, mais se fige lorsqu'il arrive à la dernière marche ; il est attendu.
Un type à l'air encore plus robuste que lui, sûrement à cause de sa petite dizaine de centimètres en moins, aux cheveux châtain clair encore plus courts que les siens, aux yeux brun clair et au visage carré, lui sourit vaguement, appuyé à une colonne, les bras croisés, un holster passé par-dessus son polo vert sombre.
Sam ferme brièvement les yeux, partagé entre le soulagement et la culpabilité. Sentant sa tension, Sing vient lui lécher le bout des doigts. Son maître lui rend une rapide caresse et ils s'avancent finalement vers leur comité d'accueil :
— J'espère que t'as pas fait que te tenir là pendant mes trois semaines d'absence, lance Sam à l'homme de la colonne, railleur.
— Si, tu vois pas que j'prends racine ? répond l'intéressé sur le même ton, ouvrant les bras et se redressant de son appui, son demi-sourire toujours aux lèvres.
Secouant la tête à leur bêtise partagée, l'oncle incite son interlocuteur à dégager le passage d'un geste, entamant une marche vers des bureaux qui sont certainement les leurs. Il retire son SD de son blouson de cuir, qu'il place ensuite respectivement sur la surface intelligente de son bureau et sur le dossier de son siège, en symétrie à ce qu'a dû faire son collègue plus tôt dans la matinée, puis les deux hommes s'assoient l'un en face de l'autre en silence. Sing Sing se couche aux pieds de son maître, la tête sur ses pattes avant, discret.
— Notre gars s'est fait buter, annonce ensuite Sam, avec autant d'amertume que la transition est abrupte.
— Bon débarras, répond l'autre.
À la façon dont les muscles de sa mâchoire se contractent, il ne pense pas ce qu'il vient de dire. Il cherche sans doute simplement à rendre la nouvelle moins difficile à porter par son partenaire. Ce n'est en effet jamais une satisfaction de conclure une enquête par la mort du coupable, dans quelques circonstances que ce soit.
— La ferme, Pat… rétorque Sam en prenant sa tête dans ses mains, voyant clair dans le jeu de son coéquipier.
Malgré la teneur du discours, le ton n'est pas réellement agressif. Il a simplement passé tout son vol de retour à chercher comment il allait pouvoir expliquer ce qui s'était passé à son partenaire, et n'a pas envie d'avoir le rôle de celui qui est rassuré. Il a tellement de raisons de se sentir coupable vis-à-vis de Patrick — le fait qu'il était là-bas sans lui, en plus du fait d'avoir perdu leur homme — qu'il préférerait largement qu'il lui en veuille, pas qu'il le console.
Il sait bien qu'ils n'auraient pas pu arrêter le meurtrier à Chicago un mois plus tôt, à l'encontre de la requête des Stups fédéraux de le laisser les mener à son fournisseur, sans subir une avalanche de conséquences bureaucratiques moisies. Et surtout sans entraver le démantèlement d'un réseau émergent de trafic de drogue. Mais lorsqu'il a entendu le coup de feu qui lui a coûté la vie, puis trouvé son cadavre, il n'a pas pu s'empêcher de se dire qu'ils auraient dû le faire quand même. Ce qui ne fait qu'ajouter à sa liste de doléances envers lui-même : le criminel qu'ils pourchassaient est hors d'état de nuire, après tout, pourquoi est-ce que ça ne lui suffit pas ?
Pat n'ajoute rien, obéissant à l'ordre qui n'en était pas vraiment un. Il connaît suffisamment son coéquipier pour savoir qu'il n'y a rien qu'il puisse dire pour alléger sa conscience à ce stade. Au contraire, insister finirait pas le mettre en rogne pour de bon. Et comme il est la seule personne à l'avoir jamais mis au tapis, il préfère éviter. Cet état des choses explique d'ailleurs également qu'il soit le seul pour qui il arrive à contenir son tempérament usuellement colérique. Tempérament qui est justement la raison pour laquelle il est resté ici alors que Sam a accompagné la DEA en Californie.
Alors que le maître-chien retire ses mains de son visage pour reporter son attention sur son plan de travail, où une multitude d'icônes sont apparues au moment où il y a balancé son RFSD, l'autre inspecteur en face de lui ouvre un tiroir dans son propre bureau. Il en sort sa plaque, sur un cordon de billes métalliques, qu'il observe un court instant avec de passer autour de son cou. Il fixe ensuite son partenaire, jusqu'à ce que celui-ci le remarque, par un miracle de la vision périphérique aussi bien qu'à cause d'un sixième sens inexpliqué d'être observé, peu importe.
— Quoi ? demande Sam en sentant le regard presque ambré peser sur lui, encore un peu tendu.
— T'as raison, je vais pas prétendre que ça pue pas qu'il se soit fait descendre. Mais je suis quand même content que tu sois de retour, il l'informe, faisant balancer l'insigne étoilé qui pend désormais à son cou d'un revers de main.
Sur ce, il referme son tiroir dans un claquement sec et se penche à son tour sur ses dossiers, signifiant clairement qu'il n'attend pas de réponse et va le laisser digérer sa culpabilité en paix, maintenant.
Si Patrick n'a pas eu le droit d'accompagner Sam en Californie à cause d'un écart de conduite — si on peut appeler arriver à deux doigts de retourner le bureau de leur supérieur lorsqu'il leur a annoncé que leur affaire allait être absorbée par la DEA un écart de conduite —, il n'a pas non plus eu le droit de porter son insigne en son absence. C'est le règlement pour les inspecteurs d'enquêter en tandem ou pas du tout. Pendant ces trois dernières semaines, il a donc été assigné à son bureau à faire de la paperasse, ce qu'il considère comme une corvée, comme bon nombre de ses collègues. En apprenant qu'il ne pourrait pas l'accompagner, l'oncle a bien envisagé l'idée de transmettre le dossier à une autre équipe de leur commissariat, et ainsi rester à Chicago, mais Pat s'y est opposé, refusant de tirer son partenaire vers le bas à cause de son caractère qu'il sait lui-même impulsif.
Mais en dehors du fait qu'il va enfin pouvoir retourner sur le terrain maintenant que son coéquipier est revenu, Sam se doute bien que ce n'est pas la seule chose dont Patrick se réjouit dans cette situation. Si leur suspect a été tué, ça signifie qu'il aurait tout à fait pu lui arriver quelque chose à lui aussi. Il sort d'une intervention ayant mené à un coup de filet majeur pour la DEA avec une simple douleur à l'épaule, et il serait présomptueux d'oublier que ça aurait pu être bien pire.
— Ouais. Moi aussi, confirme l'oncle, se radoucissant encore un peu plus.
Trouver un partenaire pour lui, même avant qu'il ne passe inspecteur, a toujours donné du fil à retordre à tous les supérieurs qu'il a vu se succéder dans ce district. C'est notamment l'une des raisons pour lesquelles il est sorti de l'académie maître-chien, conscient de ce qui allait sans doute se passer, et peu désireux d'être laisser sur le banc à défaut d'un équipier humain compatible. Ainsi, le jour où Randers ici présent et lui en sont venus aux mains, après moins d'une semaine de collaboration, et qu'il lui a non sans difficultés mis la pâtée, tout le monde était convaincu que ce serait la fin d'une nouvelle association pour lui. Pourtant, le lendemain, les deux inspecteurs avaient répondu présents, comme si de rien n'était, malgré de vilaines ecchymoses au visage. Et l'incident n'a jamais été mentionné par la suite, ayant en fin de compte permis d'établir un respect mutuel, sur lequel les deux hommes ont bâti leur étrange amitié d'une virilité cliché, aussi solide que chargée de testostérone. Pour preuve, quatre ans plus tard, leur entente est toujours aussi tacite.
Patrick s'est appliqué à ne pas relever la tête à la réponse de Sam, dans laquelle il sait bien évidemment entendu tout ce qu'il est incapable de lui dire à haute voix pour tout un tas de raison. Il ne peut en revanche pas empêcher un sourire de pointer au coin de ses lèvres, tout en continuant à faire de l'ordre dans les documents étalés sur son bureau.
Coucou !
RépondreSupprimerEh bien... J'avais un peu peur car la scène était plus longue que les deux précédentes mais en fin de compte lorsque je suis arrivé à la fin, j'étais surpris qu'elle soit déjà terminée.
Après avoir suivi la fratrie Quanto à l'occasion de la rentrée, nous suivons l'oncle Sam au retour de son enquête qui l'avait éloignée de Chicago.
L'occasion de découvrir Patrick, son coéquipier. Comme pour la fratrie, je trouve que l'introduction de ce duo fonctionne plutôt bien et on peut d'ores et déjà se faire une idée de la personnalité de Patrick.
On apprend quelques petits éléments sur l'enquête sur laquelle bossait Sam. Je me demande si c'est quelque chose sur laquelle on va revenir dans la suite ou bien si c'était juste pour donner une espèce de background.
Je suis impatient de lire la suite car je me souviens que j'avais été beaucoup intrigué par un personnage qui n'a pas encore été introduit.
À bientôt,
Mr Ious