Aller simple

Je vais enfin m'offrir ce voyage dont j'ai toujours rêvé. J'ai un peu pris cette décision sur un coup de tête, voire beaucoup, mais qu'importe. Si je ne suis pas spécialement impulsive par nature, quand on a une idée qui nous revient sans cesse à l'esprit, on finit par en arriver à un point où on ne peut plus l'ignorer, il faut se lancer. Je n'ai pas l'impression d'avoir eu le choix. Ça s'est juste imposé à moi. Il fallait que j'entreprenne cette aventure, aucune autre option n'était plus possible.

J'ai prévu de laisser une lettre à mon frère. C'est rétro, mais on a un côté vieux jeu, tous les deux. Il m'a bien envoyé une lettre manuscrite pour me faire part de son mariage. Je serais d'ailleurs déçue de rater ça, comme je lui en parle justement dans ma propre missive. Ce n'est cependant même pas certain que je ne sois effectivement pas là le jour J, de toute façon, donc rien n'est perdu.

J'ai fait mon sac, j'ai mis des draps sur mes quelques meubles, et j'ai fermé mes volets. J'ai enfilé mes jeans préférés et mon T-shirt favori. Ma veste fétiche m'attendait sur le porte-manteau, après quoi j'ai sauté dans mes bottines. Je porte aussi mon bracelet à un seul charme. C'est un détail qui peut paraître anodin, mais ça compte beaucoup pour moi. Tout doit être parfait pour ce grand jour de départ. J'achève mon tour du propriétaire en coupant l'électricité, puis ferme à clé derrière moi.

Il ne me faut pas longtemps pour rejoindre la gare. En chemin, après avoir glissé mon trousseau dans l'enveloppe, je poste la lettre destinée à mon jumeau. Lorsqu'elle lui parviendra, je serai déjà loin. J'espère qu'il ne m'en voudra pas trop d'être partie comme ça sans prévenir. Peut-être qu'à un niveau subconscient il est déjà au courant, ceci dit.

À l'intérieur de la station, j'étudie le tableau d'affichage des arrivées et des départs, pour repérer le train qui m'intéresse. Très bien. Il ne devrait pas tarder. Sans un regard en arrière, comme depuis le moment où j'ai décidé de m'en aller, je me rends jusqu'au quai indiqué.

Il est tôt. Il n'y a pratiquement personne aux alentours. Les boutiques ne sont même pas toutes encore ouvertes. Tant mieux, je serai plus tranquille. Je n'ai pas besoin d'une audience pour assister à mes tressautements d'impatience.

Bientôt, je vois et entends la locomotive approcher, au loin, sur les rails. Mon cœur bat à cent à l'heure. J'ai presque du mal à y croire. Mon carrosse est avancé. Dans quelques instants, je serai en route. Nouveaux horizons, me voilà !

Alors que le train de marchandise, sans chauffeur, passe en gare sans ralentir, je m'élance sur la voie, yeux ouverts et un sourire aux lèvres…

Commentaires