Conte de faits
Il était une fois un prince d'une grande beauté, aux cheveux blonds comme les blés et aux yeux bleus comme un ciel d'Été.
Cependant, nonobstant ses traits si charmants, le prince était d'un tempérament violent, au point que les gens le disaient parfois buveur de sang. Il n'attendait en effet pas d'être sur un champ de bataille pour délester quelqu'un de ses entrailles, et la moindre menace vis à vis de ses ouailles entraînait immédiatement de terribles représailles. Il faisait de la charpie de quiconque s'avérait un ennemi, et à ses heures d'ennui il suffisait qu'on ne se montre pas un ami pour être victime de toute sa vilénie.
Mais à dire vrai, grâce à ses méfaits, son royaume prospérait. Malgré toutes ses monstruosités, la sécurité de ses citoyens était assurée. Personne n'aurait osé se balader à la nuit tombée dans une ruelle peu éclairée, et pourtant aucun de ses sujets n'aurait songé protester à ses activités. Lorsque des cris retentissaient, on fermait simplement les volets, car on savait que c'était quelqu'un qui le méritait. Au final, de toutes les capitales, celle du prince amoral était la plus loyale à son souverain réal. Pour les riverains, il n'était pas que craint mais également un peu un saint. Nulle autre cité ne pouvait en effet se vanter d'être dotée d'un justicier, avec ou sans méthodes viciées.
Une nuit, toute à sa rêverie, une jeune fille surprit le prince maudit en plein conflit avec des bandits. Elle aurait dû à ce moment-ci rentrer se cacher sous son lit, comme on le lui avait toujours dit, si elle ne voulait pas d'ennuis. Mais elle ne s'en alla pas, ni ne se détourna, elle resta simplement là, à regarder les quatre malfrats armés de coutelas attaquer le fils de roi.
Pour tout autre individu dans une situation aussi incongrue, se battre à mains nues aurait sans doute été malvenu, mais même sans ne serait-ce qu'un écu, le prince était invaincu. Comme dans une transe, la jeune fille assista alors en silence tandis qu'avec violence il mettait fin à quatre existences de toute façon vouées à la décadence.
Son travail terminé, ses adversaires éventrés, leurs tripes éparpillées sur les pavés et leur sang projeté sur du linge mis à sécher à proximité, le prince était à peine essoufflé. La jeune fille aurait dû être choquée, peut-être aller jusqu'à se pâmer, ou bien hurler, après avoir vu perpétrer de telles atrocités, mais sans pouvoir l'expliquer elle ne se sentait que fascinée. On-ne-sait-quoi l'incita à faire un pas, et le prince se retourna.
Tout en restant coi, il la jaugea d'un regard froid, ne comprenant pas pourquoi elle ne semblait pas remplie d'effroi. Son extérieur pouvait parfois induire en erreur sur sa nature intérieure, mais pour l'heure, il aurait dû lui faire peur, puisqu'elle l'avait vu indéniablement tueur. Pourtant au lieu de fuir, voilà qu'elle lui adressait un sourire, de ceux dont il n'avait pas le souvenir d'avoir reçu depuis sa première ire. Il n'avait jamais imaginé qu'on puisse accepter sa part de monstruosité avec tant d'ingénuité. Il avait toujours pensé que ça l'empêcherait d'être aimé à jamais.
La conclusion de cette narration est que, lorsqu'il est question de connexions, il n'y a pas de malédictions, juste des occasions.
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